Accueil Réseau Environnement Quand les lingettes bouchent nos tuyaux… et trouent nos budgets

Quand les lingettes bouchent nos tuyaux… et trouent nos budgets

Par Mathieu Laneuville

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Pratiques, les lingettes dites « jetables » sont de plus en plus présentes sur les tablettes des magasins. Derrière leur usage anodin se cachent pourtant de sérieuses conséquences pour nos infrastructures d’eau et nos écosystèmes.

Une nuisance devenue système

Jetées dans les toilettes, les lingettes s’agglutinent, obstruent les pompes, bloquent les canalisations et finissent par faire déborder les égouts. Chaque année, elles causent pour 250 millions de dollars de dommages aux réseaux municipaux canadiens.

En plus de provoquer des déversements d’eaux usées dans l’environnement, ces lingettes contiennent du plastique et des agents chimiques qui laissent des traces durables dans les milieux aquatiques, contribuant à la pollution de l’eau par les microplastiques.

L’enjeu n’est pas seulement technique ou environnemental. Il est aussi sémantique : le flou entourant le mot « jetable » laisse place à des appellations trompeuses, laissant croire qu’on peut « flusher » la lingette souillée. Résultat : des produits sont commercialisés comme étant compatibles avec nos toilettes, alors que c’est tout le contraire.

Cinq recommandations concrètes

Pour endiguer le problème, Réseau Environnement propose une démarche claire, fondée sur une logique de responsabilité collective et alignée sur les meilleures pratiques internationales.

Bien que l’abandon des lingettes jetables demeure l’option à privilégier, une solution de rechange peut être envisagée : l’adoption du principe des 4P – Pee, Poo, Paper et Proof. Ainsi, dans l’éventualité où des personnes souhaiteraient continuer d’en utiliser, seules les lingettes dont la capacité à se désintégrer de façon sécuritaire dans les systèmes d’égout a été démontrée devraient porter la mention « jetable dans la toilette ».

  1. Reconnaissance des logos de l’IWSFG

Il est primordial d’établir un mode de financement qui prend en compte le coût intégral des services d’eau, incluant la maintenance et le renouvellement des infrastructures. Nous recommandons que les municipalités mettent en place des réserves financières consacrées aux infrastructures d’eau et des seuils minimums d’investissement pour financer le maintien d’actifs. Ainsi, on pourrait éviter les déficits à long terme et les paiements d’intérêts sur la dette contractée, lisser les revenus pour faire face aux pointes d’investissement sans surcharger les contribuables et garantir un financement prévisible et stable.

  1. Règlement québécois sur l’étiquetage des lingettes

Un encadrement normatif est proposé pour rendre obligatoire l’apposition de ces logos sur tous les paquets de lingettes vendus au Québec. Cette mesure viserait à mettre fin à la confusion actuelle et à offrir aux consommateurs une information fiable et clairement présentée.

  1. Mise à jour des règlements municipaux

Réseau Environnement recommande aux municipalités de modifier les règlements types sur l’assainissement afin qu’ils s’arriment avec la nouvelle réglementation québécoise. Étant les premières concernées, elles seraient ainsi mieux outillées pour prévenir les dommages.

  1. Campagne d’éducation nationale

Le changement de comportement passe aussi par la sensibilisation. La campagne Pensez Bleu pourrait être bonifiée pour intégrer les logos de l’IWSFG, promouvoir l’approche des 4P et valoriser des solutions de rechange aux lingettes jetables dans le quotidien.

  1. Soutien à l’élaboration d’une norme canadienne de « flushabilité »

Enfin, Réseau Environnement appuie la campagne de financement menée par l’Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU) pour élaborer une norme reconnue à l’échelle canadienne, assurant que seuls les produits réellement désintégrables puissent être commercialisés comme tels.

Un Québec précurseur

En misant sur l’adoption de la norme IWSFG et sur l’instauration d’un étiquetage réglementé, le Québec pourrait jouer un rôle de chef de file en Amérique du Nord. Ce serait une réponse pragmatique à un enjeu qui touche à la fois les finances municipales, la protection de l’environnement et la santé publique.

Cette initiative rejoindrait d’ailleurs les engagements du gouvernement québécois en matière de gouvernance de l’eau, notamment ceux du Plan national de l’eau. Elle s’inscrit également dans une logique d’équité : celle du principe du « pollueur-payeur », selon lequel les coûts liés à la gestion des nuisances devraient incomber aux producteurs, et non aux municipalités ou aux citoyens.

Les municipalités ne peuvent plus assumer seules les conséquences de l’élimination inadéquate de ces déchets issus de produits pourtant commercialisés librement. Nous devons mettre fin à une confusion nuisible qui persiste depuis trop longtemps. La norme et les recommandations proposées par Réseau Environnement sont à la fois réalistes, rigoureuses et porteuses de solutions concrètes à un problème dont les coûts financiers et environnementaux sont démesurés. Surtout, elles nous rappellent que chaque geste compte… jusqu’à celui, qu’on croit anodin, de tirer la chasse.

 

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