Dans les dernières années, le rejet des matières plastiques dans les milieux aquatiques a pris de plus en plus de place dans les débats publics sur les enjeux environnementaux. Avec raison : il est reconnu que de tels rejets nuisent aux écosystèmes, en plus de contaminer les chaînes alimentaires de ces milieux.
En janvier 2021, l’Institut national de la recherche scientifique dévoilait les résultats d’une étude concernant un procédé de traitement des eaux usées permettant de dégrader les microplastiques 1. Ces résultats sont prometteurs, mais le cadre réglementaire actuel soutient-il l’implantation de tels traitements à grande échelle ? Nous faisons un rapide tour d’horizon des plus récentes stratégies mises en œuvre à l’échelle internationale ainsi qu’aux paliers fédéral et provincial au sujet de l’enjeu des matières plastiques dans les milieux aquatiques, et nous analysons si ces stratégies ont mené à des mesures ayant pour objectif de réduire la quantité de plastique présente dans les eaux usées.
Charte sur les plastiques dans les océans
En juin 2018, en collaboration avec l’Union européenne, le Canada adoptait la Charte sur les plastiques dans les océans. À travers celle-ci, comme plusieurs partenaires de la société civile et du secteur privé, le Canada s’engageait à mettre en place des mesures pour promouvoir une gestion plus efficace et axée sur le cycle de vie des matières plastiques, afin d’éviter qu’elles se retrouvent dans les océans. Bien que la majorité des mesures prévues soient axées sur la modification de l’utilisation et la gestion des matières plastiques, la Charte aborde aussi la question du renforcement des capacités en matière de gestion des eaux usées. Depuis juin 2018, ce dernier engagement n’a pas provoqué de modification au cadre législatif fédéral. Or, on ne peut s’attendre à ce que des changements majeurs à la gestion des eaux usées soient mis en branle sans une telle modification de la législation canadienne, d’autant que les municipalités, responsables de la majorité des systèmes de gestion des eaux usées, ne sont pas partenaires de cette charte.
Stratégie québécoise de l’eau
En juin 2018, le gouvernement québécois publiait sa Stratégie québécoise de l’eau 2018-2030. La seule mesure concernant le plastique visait à promouvoir la réduction de l’utilisation et du rejet des plastiques à usage unique. Le plan d’action 2018-2023 qui suivit prévoyait notamment de déployer un programme de mobilisation à la réduction de la pollution de l’eau par le plastique et de mesurer l’effet des microplastiques sur les milieux aquatiques. Aucune action particulière touchant les eaux usées ne fut prévue.
L’absence de considération de l’enjeu de la contamination par le plastique provenant des eaux usées se reflète aussi dans l’état actuel de la réglementation provinciale sur les eaux. Par exemple, aucune mention des plastiques ou des microplastiques n’est faite dans les normes sur la qualité de l’eau ou dans les normes de rejet des eaux usées des ouvrages municipaux. La dernière réglementation provinciale touchant directement cet aspect fut le Règlement sur la protection des eaux contre les rejets des embarcations de plaisance 2, qui ne s’attaque, comme l’indique son titre, qu’aux rejets des navires.
Stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique
En novembre 2018, le Conseil canadien des ministres de l’Environnement (« CCME ») approuvait une stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique. L’amélioration des techniques de capture et de nettoyage des milieux aquatiques est un des axes d’intervention sur lesquels se sont entendus les ministres de l’Environnement de tout le Canada.
Après la publication de sa stratégie, le CCME a procédé à l’élaboration d’un plan d’action en deux phases, dont la plus récente fut adoptée en juillet 2020. En ce qui a trait au rôle des eaux usées, le CCME prévoit de soutenir jusqu’en 2023 le nettoyage, la recherche et le développement de technologies visant à réduire la pollution de plastiques dans les cours d’eau. D’ici 2025, le CCME compte élaborer des lignes directrices visant spécifiquement la question de la contribution des eaux usées et industrielles à la pollution par le plastique. Les provinces auront ensuite la responsabilité d’intégrer ces lignes directrices à leur corpus législatif. Jusqu’à la publication de celles-ci, le cadre législatif restera vraisemblablement inaltéré.
Et puis ?
Jusqu’à présent, ce n’est que du point de vue des stratégies internationale et fédérale qu’émerge l’importance de l’amélioration de la gestion des eaux usées dans la lutte contre le plastique dans l’eau. Au Québec, on constate une absence de norme réglementaire et de reconnaissance de ce sujet dans les stratégies globales. Étant donné le rôle prédominant du gouvernement provincial dans les normes environnementales sur la qualité de l’eau, il est impensable que des innovations en matière de traitement des plastiques dans les eaux usées puissent prospérer sans cadre réglementaire incitatif. En l’absence de norme réglementaire sur le sujet, l’amélioration des procédés de traitement visant à réduire les quantités de plastique dans les eaux usées se fera au compte-gouttes, et seulement par les acteurs les plus avant-gardistes du milieu.
- Kiendrebeogo, M., Estahbanati, M. R. K., Khosravanipour Mostafazadeh, A., Drogui, P. et R. D. Tyagi. (2021). Treatment of microplastics in water by anodic oxidation: A case study for polystyrene. Environmental Pollution 269, 116168.
- RLRQ, c. Q-2, r. 26.