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Des chercheurs de CentrEau développent un outil épidémiologique Traquer la COVID-19 dans les eaux usées

Par Par Guy Des Rochers

Être chercheur, c’est un peu avoir l’ambition de découvrir les secrets de l’univers afin de pouvoir les transposer dans des technologies bénéfiques à l’humanité. Et si notre curiosité nous mène à plonger dans la flore virale et microbienne des eaux usées de cette même humanité pour lutter contre une pandémie, qu’à cela ne tienne, on y plonge avec passion !

Ainsi, Sarah Dorner, professeure titulaire au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal, s’est mise à collecter des échantillons d’eaux usées dès les premiers jours de la pandémie de COVID-19. Avouons que ce n’est pas le genre de réflexe que l’on constate généralement chez le commun des mortels…

« Même si les informations ne sortaient pas rapidement en public, je comprenais qu’il y avait déjà une transmission communautaire de la maladie, explique Sarah Dorner, qui est également directrice scientifique de CentrEau. Notre équipe de recherche entretenait déjà des collaborations avec la Ville de Montréal ainsi qu’avec Gertjan Medema, chercheur à l’Institut de recherche sur l’eau KWR à Nieuwegein, aux Pays-Bas. Celui-ci avait publié des résultats de recherche, dans des revues scientifiques, concernant un nouvel outil épidémiologique permettant de dépister dans les eaux usées des bactéries, des produits chimiques et des virus, dont le SRAS-CoV-2, ce coronavirus responsable de l’actuelle pandémie. »

De nouveaux acteurs pour la Santé publique

Il va de soi que l’expérience ne s’arrête pas à tremper ses éprouvettes et ses instruments d’analyse dans cette soupe glauque… Dans les faits, pour la recherche, le plaisir commence à partir de la cueillette de données. « Actuellement, les opérateurs des systèmes des eaux usées sont de nouveaux acteurs de la Santé publique, dit Peter Vanrolleghem, professeur titulaire au département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval. Avec l’aide des municipalités, des opérateurs font des prélèvements en amont des usines d’épuration, avec lesquels nous créons des composites par tranches de 24 heures, ces eaux usées étant mélangées pour former un échantillon représentant une journée. La Ville de Montréal, par exemple, réalisait déjà ce genre de prélèvements pour ses autres programmes de suivi épidémiologique. »

Comme il est évident que l’émission de particules virales appartenant à la population ne peut pas être mesurée dans chaque toilette, la détection de ces émissions dans les eaux usées devient un compromis capable de résultats étonnants. Dans les faits, l’analyse des eaux usées – celles qui passent par le système de drainage et les réseaux d’égout vers une installation de traitement – est un moyen pour les chercheurs de suivre les maladies infectieuses excrétées dans l’urine ou les matières fécales, comme le SRAS-CoV-2.

Ainsi, pour l’épidémie de COVID-19, le traçage du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées permet d’accéder à des informations concrètes, capables de fournir un autre outil essentiel dans le coffre de la Santé publique.

Pour un plus grand contrôle de l’épidémie

Pour Dominic Frigon, professeur agrégé au département de génie civil de l’Université McGill, qui coordonne ce projet de recherche chez CentrEau en compagnie de Peter Vanrolleghem et de Sarah Dorner, cet outil novateur pour suivre le SRAS-CoV-2 dans les eaux usées permet d’obtenir un meilleur contrôle de l’épidémie.

« Grâce à cet outil, précise-t-il, nous pouvons fournir des informations inédites permettant une détection des éclosions de deux à sept jours à l’avance par rapport au dépistage par des tests cliniques. Non seulement pouvons-nous détecter les personnes qui développent des symptômes, mais nous pouvons aussi trouver celles qui sont asymptomatiques, puisqu’il peut rester des virus dans leurs excrétions (urine et matière fécale) qui finissent par rejoindre les eaux usées. »

Ce dépistage précoce du virus dans les eaux usées permet donc de révéler la véritable ampleur de l’épidémie de COVID-19, d’autant plus que les analyses des eaux usées pourraient également être utilisées comme un signe d’alerte précoce si le virus réapparaissait.

« Nous pouvons détecter la contamination de personnes avant même qu’elles ne le sachent, afin de minimiser les risques d’éclosion. »

—  Dominic Frigon

« Toutefois, continue M. Frigon, la méthode permet surtout d’estimer la tendance sur le nombre total d’infections dans une communauté, étant donné que la plupart des gens ne seront pas testés. »

À terme, cette stratégie permettrait à la Direction de la santé publique, par exemple, de mieux cibler ses interventions de dépistage, allant là où les besoins sont les plus urgents, ainsi que de planifier plus efficacement la vaccination, laquelle pourrait être faite massivement dans des zones fortement contaminées.

Prenons l’exemple de l’île de Montréal, où la population tourne autour de deux millions de personnes. Pour faire un suivi de toute cette population en même temps, il faudrait faire deux millions de tests cliniques chaque fois, ce qui est impensable. « Grâce à notre méthode, nous nous attendons à ce que la limite de détection soit d’un cas par cent mille habitants. Nous divisons alors l’île de Montréal en vingt zones et prélevons quotidiennement des échantillons dans chacune d’elles. Grâce à ces vingt échantillons, il est donc possible de suivre la population en entier. Nous pouvons aussi découvrir quels quartiers sont “chauds”. Ainsi, grâce à cette vigie, nous pouvons détecter la contamination de personnes avant même qu’elles ne le sachent, afin de minimiser les risques d’éclosion », explique Dominic Frigon.

« Quand la pandémie nous est tombée dessus en mars 2020, comme j’étais au courant de la recherche qui s’accomplissait dans les eaux usées afin de dépister et de quantifier le SRAS-CoV-2, j’ai rapidement compris que mon expertise pouvait être utile. L’eau et les réseaux d’égout, c’est mon domaine. C’est mon travail. »

—   Peter Vanrolleghem

Stations d’épuration et santé publique font la paire

À travers la planète, une quinzaine de groupes de recherche analysent actuellement les eaux usées afin de repérer et de quantifier le SRAS-CoV-2 – un club sélect dont l’équipe québécoise de CentrEau fait partie. 

Il y a fort à parier que ce nombre ne fera que croître dans un proche avenir, compte tenu de toutes les informations sur les germes et les produits chimiques de tout acabit que les organismes de santé publique peuvent puiser dans les eaux usées.

Cela met en lumière à quel point les stations d’épuration des eaux usées devront dorénavant augmenter leur offre de services, en devenant de plus en plus des stations de récupération des ressources de l’eau (StaRRE). Dominic Frigon explique : « Les StaRRE sont en quête d’une plus-value pour l’eau dans une volonté d’économie circulaire, tout en réduisant leurs coûts de fonctionnement. En l’occurrence, le traçage du SRAS-CoV-2 ou de tout autre pathogène dans les eaux usées permet à cette industrie d’offrir aux organismes de santé publique un outil épidémiologique de premier plan. »

Rappelons en quelques mots ce qu’est la science de l’épidémiologie : c’est le suivi des maladies et des afflictions dans la population en essayant de comprendre les facteurs qui y participent. « Il existe l’épidémiologie des maladies infectieuses, la COVID-19 par exemple, mais bien d’autres également, comme l’épidémiologie du cancer du poumon, explique Dominic Frigon. Avec cette dernière, on a pu réaliser que les gens qui fumaient beaucoup avaient aussi de plus grands risques qu’on leur détecte un cancer du poumon. C’est ce que permet l’épidémiologie : relier des cas de santé que l’on définit selon différents contextes. »

Les eaux usées comme potentiel pour sauver des vies

« Quand la pandémie nous est tombée dessus en mars 2020, comme j’étais au courant de la recherche qui s’accomplissait dans les eaux usées afin de dépister et de quantifier le SRAS-CoV-2, j’ai rapidement compris que mon expertise pouvait être utile. L’eau et les réseaux d’égout, c’est mon domaine. C’est mon travail », rapporte Peter Vanrolleghem, qui, parmi de nombreuses occupations, est aussi le directeur de CentrEau.

Une station de traitement traite les eaux usées provenant de milliers de personnes. De la sorte, la surveillance des affluents, à l’échelle d’une zone populationnelle définie, peut fournir de meilleures estimations de l’étendue de la contamination au SRAS-CoV-2 que les tests cliniques. « Par ailleurs, ajoute M. Vanrolleghem, cet outil épidémiologique permet de prévoir des éclosions futures de manière hâtive et d’identifier les variants de ce virus, bien avant qu’ils ne mettent la population dans le pétrin. »

Toutefois, la surveillance des eaux usées par le prélèvement d’échantillons quotidiens en amont des usines de traitement est essentielle et cela requiert la collaboration des municipalités, celles-ci effectuant déjà quotidiennement des prélèvements pour des analyses sanitaires. « Jus-qu’à maintenant, la collaboration des municipalités avec notre équipe de recherche est exemplaire, estime M. Vanrolleghem, qui insiste aussi sur la nécessité de la collaboration et du partage des compétences. Je suis chanceux d’avoir des collègues spécialisés, car je ne suis pas un expert en virologie, mais plutôt en qualité de l’eau. Je peux suivre la qualité de l’eau qui tombe des nuages ou du robinet, qui passe par les réseaux et les StaRRE jusqu’aux lacs et aux rivières. Moi qui me concentre habituellement sur la santé des écosystèmes, j’ai aujourd’hui l’impression que je peux sauver des vies humaines. C’est très gratifiant. »

Le financement, ou le parcours du combattant

« Le directeur de CentrEau, Peter Vanrolleghem, m’avait contactée vers la fin de l’été et si je peux utiliser ce mot, il semblait vraiment désespéré ! », raconte Janice Bailey, la directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT).

Parce qu’il était à la recherche de financement pour le projet sur le traçage du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées, le chercheur a dû cogner à plusieurs portes, démontrant ainsi que la grande faiblesse de la recherche scientifique, c’est le financement.

« Quand il est question de recherche scientifique, les instances capables de la subventionner ne perçoivent souvent que la partie émergée de l’iceberg, constate Peter Vanrolleghem. Une idée nouvelle, c’est toujours difficile à financer. J’ai rencontré différents organismes pour la première fois en juin 2020, mais la plus grosse difficulté que nous éprouvions, c’était de démontrer les manières dont les informations obtenues grâce à notre recherche étaient utiles pour la Santé publique. »

Quoi qu’il en soit, puisque le bateau avait été lancé à l’eau, les chercheurs ont fouillé dans leurs modestes fonds de recherche personnels pour que le projet se maintienne à flot.

Comme le secteur des eaux usées relève du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, mais que la recherche sur le SRAS-CoV-2 concernait plutôt le ministère de la Santé et des Services sociaux, une sorte d’impasse bureaucratique rendait la demande de financement encore plus compliquée… « Comme chercheurs, nous avions aussi le désir de livrer la marchandise le plus rapidement possible, compte tenu de la lutte à remporter contre la pandémie », affirme Peter Vanrolleghem.

Après qu’il ait demandé de l’aide à Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, lequel « comprenait que notre recherche était utile, mais qui n’avait pas de ressources pour notre financement », les choses ont commencé à bouger.

De l’aide du FRQNT

« Quand nous nous sommes parlé, raconte Janice Bailey, Peter a été bien honnête dans sa requête puisqu’il ne nous a pas demandé d’argent, mais souhaitait plutôt connaître la bonne stratégie pour obtenir du financement. Notre but, au FRQNT, c’est de soutenir la recherche afin que le Québec devienne un pôle d’excellence mondial, mais je veux que ce soit clair : je ne participe pas personnellement à l’évaluation des projets. »

Tout en stipulant que le Québec est privilégié de compter sur un tel organisme parapublic qui finance la recherche dans les établissements universitaires du Québec, ce qui est plutôt unique dans le monde, Janice Bailey ajoute : « Comme j’étais au courant de leur projet de recherche et que je le trouvais très important, j’ai commencé à faire des démarches afin de trouver du financement ; pour moi, il s’agissait d’une recherche prioritaire qui s’inscrivait dans l’immédiat. »

De fil en aiguille, une demande de financement a atterri au ministère de l’Économie et de l’Innovation, dans l’optique de la relance économique à venir. « Cette démarche nous a permis d’obtenir un million de dollars pour le projet », s’enthousiasme Janice Bailey.

Au total, pour son projet-pilote de six mois, l’équipe de CentrEau a finalement obtenu 1,7 million de dollars, grâce aussi à la contribution de deux fondations (Trottier et Molson) et du Centre national en électrochimie et en technologies environnementales (CNETE), ainsi qu’à des contributions importantes en nature des municipalités et villes impliquées dans les efforts d’échantillonnage.

Les villes de Montréal, de Québec et de Laval collectent elles-mêmes les échantillons à plusieurs points de leur réseau d’égout. Également, plus d’une quarantaine de municipalités dans les régions du Bas-St-Laurent et de la Mauricie–Centre-du-Québec participent en échantillonnant l’entrée de leur usine de traitement.

« Nous collaborons avec des équipes à travers le monde, et en plus de l’équipe de base chez CentrEau, une centaine de personnes gravitent autour du projet québécois. Ces échanges de données sont essentiels à la recherche. »

—  Sarah Dorner

Tisser un maillage de collaborations

Actuellement, quelques entreprises collaboratrices s’activent au sein de l’équipe de recherche de CentrEau, dont OClair environnement, une firme québécoise qui a développé une application mobile de gestion de l’échantillonnage et des résultats, en plus de créer une base de données capable de transformer ce projet de recherche en véritable technologie accessible.

Ainsi, des groupes de chercheurs de partout au Canada collaborent sur le projet de recherche de CentrEau afin de perfectionner cet outil épidémiologique en s’appuyant sur cette base de données.

Plusieurs initiatives semblables ont pris forme à l’international, entre autres aux Pays-Bas et aux États-Unis. D’autant plus que l’analyse des eaux usées demeure une méthode qui n’est pas nouvelle, puisque l’efficience des campagnes de vaccination à travers le monde est souvent mesurée depuis plusieurs décennies grâce à la surveillance des eaux usées. De là à créer un maillage de collaborations entre chercheurs du monde entier, pour mettre en commun les connaissances acquises, il n’y a qu’un pas que nos chercheurs québécois ont allégrement franchi.

« Nous collaborons avec des équipes à travers le monde, précise Sarah Dorner, et en plus de l’équipe de base chez CentrEau, une centaine de personnes gravitent autour du projet québécois. Ces échanges de données sont essentiels à la recherche. »

Par ailleurs, les établissements de recherche doivent s’assurer que leurs projets ne soulèvent pas des problèmes d’ordre éthique. « Nous pouvons compter sur un chercheur, le philosophe Alain Létourneau de l’Université de Sherbrooke, qui travaille justement sur les questions éthiques parce que le problème qui est souvent soulevé, c’est celui de la stigmatisation des populations », indique Sarah Dorner.

Puisque les données obtenues de la surveillance des eaux usées peuvent identifier des groupes d’individus, il faut éviter que ces informations délicates ciblent publiquement des communautés ou des groupes. Et Sarah Dorner ajoute : « En éthique et en santé publique, ce qu’on essaie de faire, c’est d’anonymiser le matériel biologique humain ».

Une nouvelle manière de contrôler l’épidémie

Les eaux usées ont beaucoup à raconter, et les histoires qu’elles recèlent sont captées dans les filets de l’équipe de recherche de CentrEau. Les eaux usées ont un langage que nos scientifiques savent décoder.

« C’est une nouvelle manière d’approcher le contrôle de l’épidémie, non seulement du point de vue des personnes qui développent des symptômes de la COVID-19, mais aussi de celui de celles qui n’ont pas de symptômes, car elles peuvent quand même excréter le virus SRAS-CoV-2 », précise Dominic Frigon.

Sans conteste, le fait de dépister le coronavirus SRAS-CoV-2 dans les eaux usées afin de le quantifier devrait bientôt devenir une technique épidémiologique indispensable pour les organismes de santé publique. « Cela permet une détection précoce et rapide en comparaison des tests cliniques, ajoute l’expert. Par exemple, si le niveau de tests cliniques n’est pas assez élevé ou si la population ne se fait pas assez tester, nous serons quand même capables d’observer une augmentation de la prévalence du virus dans les eaux usées, plus rapidement que le nombre de cas que l’on peut détecter dans la population, qu’il s’agisse de cas asymptomatiques ou de virus variants. Et en détectant la maladie de manière précoce, on effectue aussi un suivi de toute la population en même temps. »

Par Guy Des Rochers

OClair environnement fait équipe avec CentrEau

La plate-forme CETO, au cœur de la lutte contre la pandémie

Il existe des individus dont la capacité d’innover est sans doute inscrite dans leurs gènes. Sans conteste, le microbiologiste Pierre Mongeon, un semi-retraité comme il se décrit lui-même, fait partie de cette catégorie.

Celui-ci a fondé OClair environnement il y a quelques années à peine, alors qu’il aurait pu envisager une retraite plus calme, mais l’homme aime visiblement relever des défis. D’autant plus qu’il a fait preuve de créativité et de vision, puisqu’il se retrouve aujourd’hui au cœur du projet de recherche de CentrEau sur le traçage du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées.

« Nous avons commencé à discuter avec CentrEau avant même que le projet ne soit lancé officiellement, en juin 2020, stipule Pierre Mongeon. Dominic Frigon, qui coordonne le groupe de recherche sur le traçage du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées, m’avait parlé de ce projet qui en était à un stade embryonnaire. Par pur hasard, j’avais précédemment lu quelques articles sur ce sujet sur le Web, ce qui a contribué à allumer quelques lumières chez moi. »

La niche commerciale d’OClair environnement, c’est l’eau : l’eau potable, les eaux usées et même les problèmes d’humidité. L’entreprise de Lavaltrie, partenaire du Centre d’expertise en innovation municipale du Québec (CEIMQ), développe des applications Web et mobiles, dont NERRI et CETO, spécifiques au domaine des eaux usées, mais qui ont des clientèles différentes.

« NERRI est une plate-forme Web pratiquement nouvelle destinée à la gestion des eaux usées et capable de donner un soutien tangible et efficace aux autorités municipales dans l’application de la réglementation Q-2 r. 22, c’est-à-dire le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Loi sur la qualité de l’environnement). Pour les besoins de la recherche de CentrEau, nous avons alors fait un transfert de technologie afin de créer la plate-forme CETO, qui est offerte pour les mobiles iOS (Apple) et Android (Google). L’application CETO est donc, de manière imagée, le squelette sur lequel viennent se fixer les différents modules dont CentrEau a besoin pour gérer son projet », explique Pierre Mongeon.

CETO à la rescousse de la recherche

CETO répond à un réel besoin des chercheurs qui sont à la poursuite du virus dans les eaux usées. Entre autres, pour le projet de vigie de la COVID-19 mené par CentrEau, cette application démontre tout son potentiel.

« CETO soutient les opérations de prélèvement des eaux usées à l’entrée des stations d’épuration, raconte Pierre Mongeon. Comme CentrEau a besoin que l’on prenne ces échantillons, la plate-forme CETO comporte un module mobile pour le technicien sur le terrain. Ainsi, l’application peut être accessible sur téléphone intelligent ou sur tablette. »

En l’occurrence, cela permet d’effectuer le travail de terrain en identifiant les centaines d’échantillons qui seront pris. « Nous sommes capables de les identifier soit par un code-barres, soit par une désignation que le laboratoire pourra lui-même ajouter, explique-t-il. Le but de l’opération, c’est de ne pas se tromper d’échantillon, et de s’assurer que la chaîne du froid a été respectée et que le laboratoire peut l’accepter. »

Le technicien de laboratoire, quand il recevra cet échantillon, aura ainsi accès à son dossier, inscrit avec toutes ses caractéristiques dans la base de données de CETO. Et il en sera de même des chercheurs et des administrateurs de la santé publique, qui pourront interpréter les résultats selon qu’il y a augmentation ou diminution du virus dans les eaux usées.

Battre la pandémie de vitesse

Pour les chercheurs, l’organisation du travail est grandement facilitée, la plate-forme permettant d’archiver dans une « biobanque » des résultats bruts, des résultats ajustés et des protocoles utilisés lors des calculs. Cependant, là où l’application CETO tire son épingle du jeu, c’est qu’elle diminue grandement le temps de gestion des données, en permettant de faire facilement des analyses ultérieures sur des échantillons choisis et en rendant disponible l’information pour tous les intervenants participant au projet. Cet accès à toutes les données, en temps réel, est un formidable outil contre la pandémie puisque les infections et les éclosions futures pourront être connues plus rapidement, autorisant ainsi les directions de santé publique à agir avec plus de diligence dans cette course contre la montre.

Faut-il s’étonner qu’OClair environnement occupe dorénavant l’avant-scène dans son secteur d’activité ? Son fondateur pourrait finalement se la couler douce pour profiter pleinement d’une retraite bien méritée, mais il a pris soin de développer cette culture d’innovation dans son entreprise en s’entourant d’une équipe solide et en y intégrant ses deux filles, déjà tout à fait impliquées et prêtes à prendre la relève.

Par Marie-France Létourneau

Le Laboratoire BSL participe à la chasse au coronavirus dans les eaux usées

Traquer le coronavirus dans les eaux usées : c’est la mission à laquelle s’active le Laboratoire BSL aux côtés de chercheurs québécois. Ce laboratoire privé du Bas-Saint-Laurent participe au projet CentrEAU-COVID, en collaboration avec l’Université du Québec à Rimouski (UQAR). 

Il n’était pas question pour l’équipe de BSL de laisser passer cette occasion, affirme la directrice des opérations Caroline Samson.

C’est la première fois que le laboratoire de Rimouski, fondé en 1983, a la chance de collaborer à un projet de recherche universitaire. Et tous les employés sont emballés de contribuer à ce vaste effort collectif et scientifique pour contrer la crise sanitaire, dit-elle. 

« Les régions n’ont pas souvent l’occasion de participer à ce type de projet. Ça se passe surtout dans les grands centres. Nous avons accepté parce que nous trouvons important de pouvoir aider à prévenir de pareilles pandémies. »

L’ensemble de la logistique, ainsi que la compilation des résultats du projet CentrEau-COVID pour les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, est assurée par l’UQAR. Doté d’installations et d’équipements appropriés pour effectuer les analyses, le Laboratoire BSL offre pour sa part un soutien technique, notamment pour la cueillette et la réception des échantillons d’eaux usées.

« Nous avons l’habitude de faire affaire avec les municipalités de la région. Nous avons toujours des glacières en circulation, qui partent et qui reviennent. Nous recevons tous les échantillons d’eaux usées des municipalités de l’est du Québec à une certaine fréquence. C’est facile à gérer pour nous », souligne la directrice des opérations.

Approvisionnement difficile

La collecte des échantillons est déjà en cours, principalement dans les grandes villes de l’est du Québec qui ont accepté de participer au projet, dont Rimouski, Rivière-du-Loup, Matane et Sainte-Anne-des-Monts. Mais les échantillons demeurent congelés d’ici à ce que le travail d’analyse débute.

L’approvisionnement s’est notamment avéré difficile pour certaines fournitures de laboratoire utilisées pour les tests PCR (polymerase chain reaction ou réaction en chaîne par polymérase). « Avec tous les tests qui se font, ce matériel commence à être difficile à obtenir », explique Mme Samson. 

L’embauche par l’UQAR d’un technicien responsable de l’analyse des échantillons n’a pas été simple non plus. Mais tout se met en place afin que le travail puisse commencer.

Diversification

La participation au projet ne générera aucun revenu pour le Laboratoire BSL. À tout le moins, selon Mme Samson, l’entreprise qui emploie une douzaine de personnes pourrait bénéficier de crédits d’impôt pour la recherche.

À moyen et à long terme, le laboratoire en environnement de Rimouski y voit par ailleurs une occasion de diversifier ses services.

« Ça nous amène à un autre niveau. Nous aimerions par la suite être en mesure d’offrir une surveillance, par le biais des eaux usées, pour prévenir d’autres pandémies. Une fois la méthode développée, nous pourrons l’adapter rapidement si d’autres virus ou événements devaient survenir », explique Caroline Samson.  

Selon elle, ce sera néanmoins aux instances gouvernementales ou aux municipalités de déterminer la pertinence de cette surveillance épidémiologique.

Comme le fondateur du laboratoire (aussi directeur général et microbiologiste), Gilles Rioux, a commencé à ralentir son rythme de travail, un nouveau microbiologiste spécialisé en biochimie, Jonathan Huot, s’est par ailleurs joint à l’équipe du Laboratoire BSL.

C’est d’ailleurs celui-ci qui veille au bon déroulement du partenariat avec l’UQAR dans le cadre du projet CentrEAU-COVID.

Un des premiers laboratoires privés accrédités au Québec, le Laboratoire BSL est en outre, selon Caroline Samson, un des rares, voire le seul, à toujours appartenir à un propriétaire unique.

« Nous recevons des échantillons des Îles-de-la-Madeleine, de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent. Quand il y a des avis d’ébullition et des problèmes d’eau, les gens peuvent venir porter leurs échantillons au laboratoire. Les laboratoires régionaux ont vraiment leur place. Mais c’est dommage parce qu’ils sont en voie d’extinction », relève Mme Samson.

La PME est spécialisée dans les analyses microbiologiques ainsi que physico-chimiques environnementales. Elle est ainsi en mesure de réaliser des analyses d’eau potable, d’eaux usées, ainsi que de boues usées, de sols et de sédiments.

Les municipalités, les organismes gouvernementaux, les entreprises, les bureaux d’ingénieurs et les consultants en environnement composent la clientèle du laboratoire certifié ISO 17025. Ses clients proviennent en bonne partie de l’est du Québec, mais également de Montréal et de Québec.

Le Laboratoire BSL possède par ailleurs plusieurs accréditations du Centre d’expertise en analyse environnementale du Québec.

Par Guy Des Rochers

Le CNETE prend part à la lutte contre la COVID-19

« D’habitude, nous sommes très impliqués auprès des entreprises, mais cette fois-ci, j’ai l’impression que nous rendons directement service à la population. Nous faisons notre part dans la lutte contre la COVID-19 », affirme la directrice générale du CNETE, Nancy Déziel, dont le partenariat avec CentrEau a jeté les bases d’une plus large collaboration au projet de traçage du SRAS-CoV-2 dans les eaux usées.

Le CNETE est le Centre national en électrochimie et en technologies environnementales. Son mandat, grosso modo, consiste à réaliser des activités de recherche appliquée afin d’apporter de l’assistance technique et de l’information aux entreprises soucieuses de développer de nouvelles applications techniques et de réaliser des projets innovateurs.

Le CNETE est aussi le centre collégial de transfert de technologie (CCTT) du Cégep de Shawinigan, une entité qui se démarque habilement parmi les 59 CCTT que compte le Québec. Les CCTT regroupent plus de 1400 experts à travers la province, tant des chercheurs, des ingénieurs et des technologues que des spécialistes, et sont présents dans chacune des 15 régions du Québec. Les CCTT sont reconnus par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur et par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation.

Chaque CCTT mène des activités de recherche appliquée dans des domaines spécifiques et a comme mandat, entre autres, de contribuer au développement économique de sa région respective et du Québec en général, dans son secteur d’expertise.

Au cœur des sciences appliquées

Le CNETE a son propre champ d’expertise. « Les technologies environnementales, c’est large, mais depuis les années 2000, nous sommes plutôt spécialisés dans les bioprocédés industriels, révèle Nancy Déziel. La sélection de souches de micro-organismes, la modification de souches, la caractérisation en sont quelques exemples. »

Et la directrice du CNETE, enthousiaste, continue : « Par exemple, nous allons prendre une bactérie, la modifier, l’amener à surproduire une biomolécule ; ensuite, nous allons développer la façon de produire le bioproduit en fermenteur – ça peut être en mode aérobie ou en anaérobie. Nous travaillons également avec certaines technologies sur l’extraction de la molécule. Nous couvrons l’ensemble de la chaîne de développement d’un bioproduit. Nous travaillons aussi avec des adjuvants pour des vaccins, des antibiotiques, des probiotiques, ainsi qu’avec des molécules comme des biosurfactants qui sont destinés à des détergents, des savons, c’est-à-dire des produits de commodité courante. »

Bref, les champs d’expertise du CNETE en matière de bioprocédés industriels sont plutôt vastes et variés, puisqu’ils touchent également la production de gaz énergétiques et le traitement des sols.

« Surveiller » la Mauricie

Le CNETE a donc toutes les compétences nécessaires pour participer à un projet tel que celui du traçage du virus de la COVID-19 dans les eaux usées.

Nancy Déziel précise que le CNETE collabore avec plusieurs types d’organisations, dont CentrEau.

« Deux de nos chercheurs, Mohamed Rahni et Jean-François Lemay, sont aussi associés à CentrEau. Il y a presque deux ans, avant même la pandémie, CentrEau nous a contactés, car nous maîtrisions des technologies qui pouvaient s’appliquer dans ses recherches. Par ailleurs, j’ai été impliquée dans le conseil d’administration du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies, et je suis longtemps restée en relation avec Janice Bailey, la directrice scientifique du FRQNT. De fil en aiguille, le projet de CentrEau s’est étendu à notre région, car je trouvais très important que l’on surveille, dans le cadre du projet de recherche sur la COVID-19, la ville de Shawinigan ainsi que des municipalités de la Mauricie. »

Cette implication du CNETE suscite une grande fierté au sein de cette organisation, dont l’équipe permanente d’environ 45 personnes est composée principalement de techniciens, d’assistants de recherche, de chercheurs et d’enseignants-chercheurs.

« Nous sommes tellement heureux de redonner ainsi aux citoyens, déclare Nancy Déziel. Nous contribuons directement à la lutte contre la COVID-19. De plus, nous aidons à mettre au point des outils qui pourront aussi servir dans d’autres pandémies. En effet, ce que nous faisons actuellement pourra être adapté et utile si une nouvelle pandémie survient. Et pourquoi ne pas utiliser cet outil épidémiologique pour aussi traquer les virus de la grippe, chaque hiver ? Cela pourrait apporter une aide inestimable dans la prévention de cette maladie infectieuse. »

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