ÉditosÉloge de la passion scientifique

Éloge de la passion scientifique

Par André Dumouchel

La science est omniprésente dans nos vies. Elle est partout et dans tout. Cependant, trop souvent, ce n’est que lorsque l’on découvre les technologies qui en résultent que l’on peut apercevoir son potentiel. On oublie malheureusement fréquemment que ce que l’on aperçoit, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, alors que ses neuf dixièmes se cachent sous l’eau.

Où en serions-nous aujourd’hui, en pleine pandémie de COVID-19, sans la recherche scientifique qui permet maintenant à la planète entière de respirer un peu mieux et de croire à nouveau à un avenir décent grâce à cette multitude de vaccins obtenus en des temps records ?

Et pendant que des chercheurs travaillaient en vue de trouver un vaccin ou un remède miracle, d’autres ont aussi mis l’épaule à la roue afin de développer des outils épidémiologiques capables de prévoir les infections et les éclosions à l’échelle d’un bâtiment, d’une prison, d’un campus universitaire et même d’une ville.

Prenons Sarah Dorner, par exemple. Cette professeure titulaire au département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal, qui s’occupe également de la direction scientifique de CentrEau, a rapidement été interpellée par la pandémie. À un point tel que, quelques jours à peine après que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) eût décrété que la COVID-19 mettait en danger toutes les populations du monde, Sarah Dorner s’est lancée tête première dans un nouveau projet de recherche : échantillonner et analyser les eaux usées afin d’y traquer le coronavirus responsable de la pandémie. Cette eau de ruissellement et des toilettes qui s’amène par les égouts jusqu’aux usines de filtration et qui rebute tant de gens représentait pour elle une mine d’information.

Répondre à l’urgence du moment

En bonne scientifique qu’elle est, Sarah Dorner devinait que les infections allaient vite se répandre dans sa communauté et dans le monde, et qu’à défaut de trouver un remède rapidement, il fallait limiter les infections et les éclosions. Elle s’est sentie concernée et voulait contribuer. Traquer le SRAS-CoV-2 dans les eaux usées lui est apparu comme une solution à sa portée pour contrer la pandémie, et elle s’est lancée dans cette nouvelle aventure scientifique en toute urgence. Par passion, par altruisme, par humanisme.

On peut dire la même chose des deux autres respon-sables de ce projet : tant Dominic Frigon, professeur agrégé au département de génie civil de l’Université McGill, que Peter Vanrolleghem, professeur titulaire au département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval, ont foncé dans l’aventure. De concert avec Sarah Dorner, ils ont même dépensé l’argent de leurs propres fonds pour entreprendre et concrétiser leur projet de recherche. Lorsqu’on sait à quel point les fonds sont difficiles à obtenir, le mot vocation prend tout son sens.

Et pourquoi ces chercheurs se sont-ils impliqués dans l’urgence, sans compter temps et argent ? « Pour sauver des vies », comme le mentionne simplement Peter Vanrolleghem dans l’un des textes de notre édition actuelle.

Et on découvre avec bonheur que ce qui est « tripant » dans la recherche scientifique, c’est cette capacité des chercheurs de s’élever au-dessus de la mêlée afin de répondre au S.O.S. que leur lance la société civile.

Rapidement, ces gens-là se sont sentis investis d’une mission, ils se sont engagés dans cette lutte, mobilisant leurs champs de compétences pour faire une différence dans la lutte contre la pandémie. Non pas pour de l’argent, encore moins pour la renommée, mais tout simplement pour, en fin de compte, sauver des vies.

Nos chercheurs de CentrEau ont mis de côté la compétition entre établissements pour la course aux honneurs, mis de côté les cachotteries pour plutôt établir des collaborations essentielles entre chercheurs du monde entier. Et c’est à vitesse grand V que les scientifiques du monde ont travaillé main dans la main, en regardant tous dans la même direction afin d’écraser une fois pour toutes ce détestable coronavirus. Tout ça pour aider leur prochain, sans autre gloire que la fierté du devoir accompli.

Cet aspect humain de leur entreprise m’a littéralement soufflé, et suscite chez moi reconnaissance et admiration.

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