INTRODUCTION
Au Québec, en raison du reserrements à venir des normes de traitement des eaux, la mise en place de nouvelles filières de traitement entraîne plusieurs défis d’importance, principalement en zone urbaine, où l’espace disponible pour de nouvelles installations est limité. Même les traitements secondaires les plus compacts nécessitent une emprise au sol considérable, combinée à des coûts énergétiques importants. Ces difficultés sont vécues ailleurs dans le monde depuis plusieurs décennies et nous avons maintenant, au Québec, la possibilité de nous baser sur l’expérience acquise à l’international afin de concevoir des traitements adaptés et optimisés. Plus particulièrement, l’Europe, ayant des exigences de traitement et un climat similaire, peut nous servir d’exemple. Depuis plusieurs années, une technologie de traitement sort du lot et devient de plus en plus populaire : les boues granulaires.
La base
La technologie de traitement des eaux usées par boues granulaires a été développée il y a une quarantaine d’années. De façon résumée, cette approche implique la culture de granules d’agrégats de microorganismes épurateurs de 200 à 4 000 microns plutôt que des boues activées conventionnelles, composées de particules beaucoup plus petites. Ces particules ont une concentration très importante en microorganismes et comportent des zones propices au traitement des différents types de polluants : carbone, azote et phosphore. En raison de leur taille, elles ont également l’avantage de décanter très rapidement. Ce type de traitement permet donc d’obtenir des performances équivalentes (ou supérieures) aux traitements par boues activées conventionnelles, tout en réduisant la consommation énergétique et l’emprise au sol. De plus, les boues granulaires n’utilisent pas de support plastique (comme les réacteurs biologiques à garnissage suspendu) ni de produits chimiques pour la coagulation. Cela en fait donc un mode de traitement très avantageux, du moment qu’on est en mesure de produire ces granules.
APPLICATION DE LA TECHNOLOGIE
La production de boues granulaires est possible à partir de différentes conditions précises d’exposition des boues. Principalement :
- Les microorganismes doivent être exposés à un cycle festin-famine, afin de favoriser la mise en réserve du substrat organique qui est une caractéristique métabolique des bactéries granulantes ;
- Il doit y avoir une pression de sélection hydraulique pour retirer les boues les plus légères et enrichir les réacteurs en boues granulaires ;
- Un long temps de rétention des boues doit être mis en place afin de favoriser la présence de bactéries à croissance lente.
Ces trois conditions sont facilement atteignables dans un réacteur biologique séquentiel (RBS). C’est donc pour cette raison que les premières technologies de boues granulaires utilisaient ce type de procédé. Pour un bon fonctionnement de la technologie de boues granulaires, le RBS doit être modifié afin d’inclure : 1) une injection de l’affluent directement dans les boues (festin) en absence d’aération ; 2) de longs cycles d’aération sans apport de substrat nutritif (famine) ; 3) une pression hydraulique, par application d’un court cycle de décantation ou d’une charge hydraulique élevée afin de « lessiver » les boues légères.
À travers le monde, près d’une centaine d’usines de traitement des eaux sont actuellement équipées d’une technologie RBS produisant des boues granulaires. Toutefois, cette combinaison ne permet pas très bien de s’adapter aux pointes horaires, et elle implique une décharge par lots, peu flexible pour les procédés en aval (ex. : désinfection).
Dernièrement, un développement majeur a été effectué dans le domaine des boues granulaires en combinant cette technologie à un véritable procédé biologique de boues activées en continu, ce qui allie les avantages des boues granulaires à la souplesse d’un système permettant d’absorber les pics de débit journalier. Cette adaptation du concept de boues granulaires implique essentiellement l’utilisation d’un sélecteur physique (séparateur) permettant de retourner en tête de traitement les boues granulaires de façon préférentielle (sans les purger, contrairement aux boues en excès), associée à l’usage d’un sélecteur biologique en tête de traitement (alternance de zone anaérobie et aérobie avec gestion dynamique des temps de séjour hydraulique).
Une telle chaîne de traitement des eaux permet d’associer le procédé de boues activées conventionnelles, qui jouit d’une grande souplesse, à un procédé par boues granulaires, peu énergivore et très compact, particulièrement en ce qui a trait au décanteur.
Les avantages des boues granulaires sont indéniables :
- Emprise au sol : puisque les boues granulaires sont plus concentrées (de 8 000 à 15 000 mg/L), le volume requis pour les réactions biologiques est grandement réduit ; les surfaces de décantation sont également bien moindres, particulièrement pour le décanteur du procédé de boues activées ;
- Consommation de produits chimiques : enlèvement du phosphore par déphosphatation biologique, enlèvement des flocs biologiques sans coagulant ;
- Consommation énergétique : volume réduit, aération réduite. La technologie présente toutefois des défis dans certaines circonstances : lorsque les affluents sont faiblement chargés, en eau très froide, ou lorsque le substrat organique est difficilement assimilable par les bactéries. La mise en place d’un procédé de boues granulaires demande également une période de démarrage importante. Enfin, les boues granulaires ont aussi besoin d’être bien surveillées pour que leur stabilité soit assurée. Une instrumentation adéquate, combinée au savoir-faire du fournisseur de la technologie, permet d’avoir un procédé stable et efficace à longueur d’année.
Conclusion
Au Québec, les procédés par étangs aérés ont été privilégiés pendant de nombreuses années. Il apparaît maintenant évident que les étangs ne peuvent plus être considérés comme étant la solution, particulièrement pour des stations de traitement d’une certaine envergure ou lorsque l’emprise disponible est limitée. Il est maintenant temps d’examiner ce qui se passe ailleurs dans le monde, et les procédés de boues granulaires sont un très bon exemple de ce qui peut être fait au Québec pour traiter les eaux usées du futur.