Les égouts. Il n’y a pas de secret, les odeurs d’égout proviennent des conditions rencontrées dans les réseaux de collecte.
Divers composés peuvent générer des odeurs dans les eaux usées. Le sulfure d’hydrogène (H2S), reconnu par son odeur d’œufs pourris, vient en tête comme le principal responsable des odeurs en réseau. Les acides gras volatils, l’ammoniac et les mercaptans sont aussi reconnus pour leurs propriétés nauséabondes. Le sulfure est généré dans des conditions anaérobies dans le biofilm formé sur les parois des conduites d’égouts. Les bactéries sulfato-réductrices (BSR) y réduisent dans ces conditions les ions sulfate (SO4-2) en sulfures (H2S, HS–, et S-2), qui diffusent ensuite du biofilm vers la phase liquide. Les composés odorants présents dans les eaux usées peuvent se volatiliser selon les conditions de pH, de turbulence et de température. C’est sous cette forme gazeuse qu’ils génèrent des odeurs nuisibles et créent un potentiel de carbonatation et de corrosion des conduites.
La solution la plus simple est souvent de traiter l’air vicié des puits de pompage avec un système éliminant les composés odorants, par exemple par adsorption dans une tour de charbon actif (TCA). Ces installations sont faciles à exploiter, fiables et peu coûteuses, et elles requièrent peu d’espace. Une bonne conception permet de réduire les odeurs sous les seuils de perception olfactifs. Ces systèmes traitent un large spectre de composés odorants, mais ciblent un seul site et ne règlent pas les problèmes de corrosion.
Pour traiter les problèmes d’odeurs à grande échelle ainsi que les enjeux de corrosion, il faut cibler la formation des composés odorants ou leur libération dans l’air, au lieu de traiter l’air en soi.
Pour cela, on ajoute des produits chimiques directement en phase liquide. Parmi les produits utilisés, on compte les bases, les sels métalliques, les nitrates, l’oxygène et des oxydants. Ces produits peuvent agir en faisant varier le pH, en inhibant l’activité biologique et en oxydant ou en précipitant des composés. Les principales méthodes de contrôle des odeurs rencontrées en pratique en réseau de collecte sont décrites ci-dessous.
- Superoxygénation. Cette méthode implique la dissolution d’oxygène pur dans les eaux usées pour oxyder les sulfures et maintenir des conditions aérobies inhibant l’activité des BSR. Typiquement, l’oxygène est injecté et dissous au moyen d’un cône spécial connecté sur une dérivation d’une portion des eaux pompées. En maintenant des conditions aérobies, ce traitement permet à la fois d’empêcher la formation de sulfures et d’oxyder ceux qui sont présents, éliminant ainsi les odeurs et la corrosion. Les avantages de la superoxygénation sont : (1) un résiduel préventif peut être maintenu ; (2) elle peut être appliquée en amont du problème d’odeur ; (3) ses coûts d’exploitation sont faibles par rapport aux produits chimiques à action comparable (5 à 10 % du coût en nitrates) ; (4) elle n’entraîne aucun sous-produit nuisible dans l’eau ; et (5) il n’y a aucun produit chimique à manipuler. Ses inconvénients : (1) l’efficacité peut être limitée par la solubilité ; (2) le dégazage doit être contrôlé par une bonne conception ; (3) cette solution est moins adaptée aux égouts gravitaires ; et (4) le coût d’investissement est plus important que pour un système de dosage liquide. La superoxygénation est donc particulièrement recommandée pour les conduites de refoulement sous pression offrant un long temps de séjour.
- Ajout de nitrates. Des solutions de nitrates sont injectées dans les eaux usées pour maintenir des conditions anoxies qui préviennent la formation de sulfure en inhibant l’activité des BSR. Cette approche est similaire à l’oxygénation dans la prévention de conditions anaérobies propices au développement des BSR. L’ajout de nitrates offre les avantages suivants : (1) leur solubilité élevée permet des doses élevées d’équivalents d’oxygène ; (2) il ne nécessite pas de manipulation ou de stockage particulier ; et (3) les réactions ne forment pas de sous-produits. Ses inconvénients sont : (1) des coûts importants en produits chimiques et (2) l’augmentation de la charge en azote total des eaux usées.
- Ajustement du pH. Le pH des eaux usées est modifié pour éliminer le biofilm et pour transformer le H2S volatile en ions HS– solubles. Le pH affecte la distribution en solution des trois espèces de sulfure — H2S, HS– et S-2. Une augmentation du pH transforme le sulfure en des formes ioniques (HS– et S-2) non volatiles. Par exemple, à un pH de 7,0, environ 50 % des sulfures sont présents sous forme de H2S, alors qu’à un pH de 8,5, seulement 3 % sont présents sous forme de H2S, d’où l’intérêt d’augmenter le pH. Pour ce faire, l’hydroxyde de magnésium (Mg[OH]2) et la soude caustique (NaOH) sont des produits couramment utilisés. L’odeur peut également être contrôlée par un dosage choc en augmentant subitement le pH des eaux usées à des valeurs très élevées pendant plus de 30 minutes, ce qui entraîne une dégradation du biofilm sur la paroi de l’égout. Ces traitements chocs sont efficaces pour une période de 3 à 14 jours. Les avantages et les inconvénients de l’ajustement du pH varient selon l’alcalinité de l’eau et des traitements subséquents, le coût en réactif étant considérable et sa gestion pouvant devenir complexe. Le traitement choc peut également créer des problèmes de dégradation des conduites et entraîner une variation nuisible du pH à l’usine d’épuration.
Dans tous les cas, le traitement en phase liquide nécessite au minimum une analyse coûts-efficacité qui comprend un examen des répercussions sur la station d’épuration. Enfin, une analyse plus globale est aussi de mise : l’ajout d’oxygène en réseau de collecte aura comme effet de réduire la production de méthane dans le réseau, diminuant les émissions de gaz à effet de serre, un autre enjeu de plus en plus chaud…