Le problème, c’est que la pluie, ne serait-ce que quelques millimètres d’eau, tombe sur plusieurs kilomètres carrés qui sont généralement des surfaces imperméables. Près de 80 % de cette eau se rend rapidement aux réseaux de drainage, ce qui entraîne leur dérèglement, c’est-à-dire qu’il y a un très fort débit à la suite d’une pluie, mais un très faible débit en période de sécheresse.
Les enjeux environnementaux des changements climatiques
L’augmentation des précipitations est un phénomène réel. En effet, une augmentation de 2,5 mm/an a été observée de 1960 à 2013 dans le sud du Québec1, ce qui implique une croissance de 100 mm des précipitations annuelles moyennes sur le territoire, soit l’équivalent de l’ajout d’un treizième mois de précipitations. Cette situation représente un danger pour les infrastructures souterraines, les citoyens et l’environnement. Lors de fortes pluies, les réseaux d’eaux usées peuvent ne pas avoir la capacité de transport et de traitement des eaux usées nécessaire. Cela peut engendrer plusieurs problèmes, comme des refoulements vers les résidences, des inondations de surface, des surverses d’eaux usées partiellement ou non traitées dans les milieux naturels, ou une perte des usages récréotouristiques des plans d’eau contaminés. Les changements climatiques risquent donc d’augmenter la vulnérabilité des territoires desservis par des réseaux d’égout et d’entraîner une baisse généralisée des niveaux de service de ces réseaux. Ainsi, les décisions concernant l’aménagement du territoire doivent tenir compte de ce changement de la pluviométrie.
Les enjeux économiques des changements climatiques
L’augmentation des risques et des dommages en lien avec les inondations et les pertes d’usage des plans d’eau ont des répercussions directes sur les budgets municipaux. Les conséquences financières des changements climatiques et des phénomènes météorologiques extrêmes sont ressenties partout au Canada. L’augmentation des pertes en assurance IARD (incendies, accidents et risques divers) est révélatrice de la croissance des coûts associés à ces événements : ces pertes sont de l’ordre de 405 millions de dollars par an de 1983 à 2008, et de 1,8 milliard de dollars par an de 2009 à 2017. Sur cette dernière période, les indemnités d’assurance pour les pertes catastrophiques dépassaient 1 milliard de dollars par année (voir figure 1). Les dommages matériels liés aux inondations sont le principal moteur de ces coûts croissants. Ces derniers sont susceptibles de continuer d’augmenter au cours des prochaines années, en réponse aux changements climatiques 2.
Afin de contrer les risques environnementaux et économiques liés aux changements climatiques et à l’urbanisation, une conception et un aménagement des ouvrages hydrauliques visant une gestion durable des eaux pluviales dans le respect des normes et règlements s’avèrent essentiels. Un entretien inadéquat et une mauvaise conception de ces ouvrages peuvent mener à des dommages environnementaux majeurs qui risquent de toucher les citoyens. C’est pourquoi les décisions concernant la planification de l’occupation du territoire doivent minimiser l’ajout de surfaces imperméables et favoriser la préservation de zones perméables, l’infiltration des eaux dans le sol et la rétention de la régulation des débits rejetés dans l’environnement.
L’implantation d’ouvrages de gestion des eaux pluviales (OGEP) dans l’emprise publique peut être un enjeu, car l’espace y est limité (présence de voies de circulation routière, cyclable et piétonne, stationnements, etc.). Il est donc important de trouver un juste équilibre entre chaque élément et de faire leur intégration en amont des projets d’aménagement.
Les OGEP comprennent des infrastructures vertes et naturelles, les bassins de rétention, et toutes les mesures qui permettent de réduire le ruissellement le plus près de sa source. Ce sont des pratiques durables qui viennent soutenir l’aménagement urbain et le rendre plus résilient face aux changements climatiques. L’intégration de ces ouvrages doit être portée par une vision à long terme et dans un souci de bénéfices collectifs.
Évidemment, la consultation et l’intégration des citoyens dans les diverses étapes de définition des projets d’aménagement d’OGEP sont primordiales. L’implication des citoyens permettra d’assurer une acceptation et une meilleure intégration des OGEP dans tout projet d’aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons, la collaboration et la communication entre les acteurs du milieu (élus, directeurs, ingénieurs, urbanistes, citoyens, etc.) sont la clé de la réussite de tout projet d’aménagement du territoire.
MELCC. (2015). Précipitations en hausse depuis 1960 – l’équivalent d’un treizième mois ajouté au total annuel. https://www.environnement.gouv.qc.ca/climat/surveillance/1960-2015.htm
Moudrak, N., Feltmate, B., Venema, H. et Osman, H. (2018). Combatting Canada’s rising flood costs: Natural infrastructure is an underutilized option. Document préparé pour l’Insurance Bureau of Canada. Intact Centre on Climate Adaptation, Université de Waterloo. http://assets.ibc.ca/Documents/Resources/IBC-Natural-Infrastructure-Report-2018.pdf