Le gouvernement du Québec a récemment augmenté significativement la redevance pour l’utilisation de l’eau 1. Cette hausse a d’ailleurs été accompagnée par l’institution du Fonds bleu, qui, notamment grâce aux redevances plus élevées, servira à financer la protection, la restauration, la mise en valeur et la gestion de l’eau au Québec 2.
Comme plusieurs autres intervenants, le Conseil Patronal de l’Environnement du Québec (CPEQ) a appuyé la création du Fonds bleu et l’utilisation des redevances pour protéger les ressources en eau. Cependant, l’augmentation abrupte des sommes exigées soulève certaines préoccupations pour les entreprises qui y sont assujetties.
Fixées en 2010 à 2,50 $ ou à 70 $ par million de litres, selon le type d’usage de l’eau, les redevances devaient initialement être indexées. Cet exercice a toutefois été jugé « superflu » 3. Les sommes recueillies par l’entremise de ce système s’élevaient à 2,8 millions de dollars en 2021, ce qui a permis au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs de conclure que la redevance constituait « une application timide du principe de l’utilisateur payeur » 4.
Un règlement a été adopté le 6 décembre 2023 afin d’augmenter les droits payables à 35 $ et à 150 $ par million de litres, selon le type d’usage de l’eau, et ce, dès le 1er janvier 2024. Il s’agit de hausses de 1 400 % et de 214 % respectivement. Cela devrait permettre au gouvernement de récolter 195,9 millions de dollars additionnels d’ici 2031 5.
Comme l’a soulevé une parlementaire lors de l’adoption de la Loi sur le Fonds bleu 6 :
« Nonobstant le bien-fondé d’une hausse des redevances sur l’eau, il faudra être attentif à l’impact sur certaines entreprises, qui doivent déjà composer avec une taxation importante, l’inflation, la hausse du coût liée [sic] à la chaîne d’approvisionnement et la pénurie de la main-d’œuvre. »
À ces coûts, il faut également ajouter les autres formes de tarification environnementale auxquelles les entreprises peuvent être soumises et qui peuvent avoir un impact sur leur compétitivité à l’international ou encore sur le coût de leurs produits au Québec, notamment :
- le marché du carbone ;
- la tarification associée à certains rejets industriels ;
- la redevance pour la gestion des sols contaminés excavés ;
- la contribution financière aux différents systèmes de responsabilité élargie des producteurs ;
- la redevance pour l’élimination de matières résiduelles.
Bien entendu, il s’agit d’outils indispensables pour faciliter la transition écologique. À ce sujet, notons que le gouvernement du Québec préconise une « utilisation optimale et judicieuse de l’écofiscalité » 7.
Certes, l’écofiscalité, y compris en matière d’utilisation de l’eau, doit être maintenue. Toutefois, dans un contexte où les différentes formes de tarification environnementale s’additionnent – notamment en période d’inflation –, il convient d’adopter des approches plus progressives et prévisibles. De l’accompagnement et des fonds demeureront en outre utiles pour atteindre rapidement l’objectif de réduction des prélèvements de l’eau que sous-tend la hausse de la redevance. Comme l’indiquait d’ailleurs un autre parlementaire dans le cadre de l’adoption de la Loi sur le Fonds bleu 8 :
« Les sommes qui sont perçues grâce à la hausse de la redevance pourraient en partie être réinvesties pour aider ces mêmes entreprises à se transformer vers des pratiques qui rejoignent les objectifs du Fonds bleu. »
Le CPEQ suivra donc de près, en 2024, la manière dont les sommes du Fonds bleu seront utilisées afin d’assurer qu’une partie de la redevance pourra effectivement être utilisée pour des projets de réduction des prélèvements d’eau en entreprise ainsi que pour l’optimisation de l’utilisation de l’eau au Québec.
C’est en misant sur la progressivité, la prévisibilité et le soutien aux entreprises que le gouvernement atteindra ses objectifs environnementaux, y compris la réduction de l’utilisation de l’eau, tout en limitant les impacts financiers cumulatifs de la réglementation.
- Règlement modifiant le Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau, Gazette officielle du Québec du 6 décembre 2023, p. 5533 à 5537 (Règlement sur la redevance).
- Loi instituant le Fonds bleu et modifiant d’autres dispositions, chapitre 17 des lois de 2023 (Loi sur le Fonds bleu). Pour une analyse plus détaillée de la Loi sur le Fonds bleu ainsi que du Règlement sur la redevance, voir : Hélène Lauzon et Olivier Dulude, « L’année de l’eau s’amorce ! », Pupitre du CPEQ, 19 avril 2023.
- Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (2017, juin). Rapport de mise en œuvre du Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau, p. 9.
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (2023). Analyse d’impact réglementaire des Règlements modifiant le Règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau et le Règlement sur la déclaration des prélèvements d’eau, p. 7.
- Ibid., p. 8.
- Journal des débats de l’Assemblée nationale, mercredi 7 juin 2023, vol. 47, no 53, à 15 h 40.
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (2023). Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, p. 9.
- Journal des débats de l’Assemblée nationale, mercredi 7 juin 2023, vol. 47, no 53, à 15 h 30.