CERIULes infrastructures vertes : une solution durable pour la gestion des eaux...

Les infrastructures vertes : une solution durable pour la gestion des eaux pluviales en milieu urbain

Par Rafika Lassel

Dans une conjoncture marquée par les changements climatiques et l’urbanisation croissante, la gestion des eaux pluviales est devenue un enjeu majeur pour les municipalités. Les infrastructures vertes (IV), telles que les noues végétalisées, les aires de biorétention et les pavages perméables, s’imposent comme une solution innovante et durable pour le contrôle à la source des eaux pluviales en milieu urbain. Or, de nombreuses questions subsistent en ce qui concerne les avantages procurés par ces infrastructures vertes par rapport à leurs coûts.

 

Dans ce contexte, un mandat de recherche a été confié à Marie-Ève Jean et Laura Milena Solarte Moncayo par l’Observatoire de la gestion intégrée de l’espace public urbain1 et ses partenaires. Il a été supervisé par Sophie Duchesne, professeure du Centre Eau Terre Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). L’objectif principal de ce mandat était de réaliser une analyse coûts-avantages (ACA) de la mise en place d’infrastructures vertes pour le contrôle à la source des eaux pluviales dans les secteurs urbains drainés par des réseaux d’égouts unitaires. Un accent particulier a été mis sur l’évaluation des coûts et des avantages liés à l’entretien de ces infrastructures, qui demeuraient jusqu’à présent inconnus. Les travaux de recherche ont été effectués en trois phases : la première consistait à réaliser une revue d’expériences terrain de plusieurs villes dans le monde. La deuxième visait à effectuer une revue de la littérature au sujet des pratiques, des coûts et des avantages liés à l’entretien des infrastructures vertes de gestion des eaux pluviales (besoins, personnel requis, conséquences sur la performance, etc.). Enfin, la troisième phase consistait à réaliser une analyse coûts-avantages à partir de cas réels dans deux villes du Québec.

 

Phase 1 – Aperçu des pratiques actuelles

Une étude menée auprès de 13 municipalités québécoises, 6 municipalités canadiennes, 4 villes françaises et plusieurs entités de la grande région de Melbourne, en Australie, offre un aperçu des pratiques actuelles en matière d’implantation et d’entretien de ces infrastructures.

 

Les IV les plus couramment utilisées sont les noues végétalisées et les aires de biorétention. On trouve également des pavages perméables, des systèmes d’infiltration ou d’exfiltration sous chaussée, des toits verts, des fosses d’arbres et des systèmes de récupération d’eau de pluie. Les municipalités interrogées ont manifesté un intérêt particulier pour les ouvrages multifonctionnels, qui permettent de partager les bénéfices et les responsabilités de gestion avec les différentes parties prenantes.

 

L’implantation de ces infrastructures varie selon les municipalités, certaines adoptant une approche systématique, tandis que d’autres les intègrent au cas par cas dans leurs projets. La responsabilité de leur gestion est souvent répartie entre différents services municipaux, ce qui peut poser des défis en matière de coordination et d’efficacité. L’entretien des IV se décline en quatre catégories : l’entretien horticole et esthétique, l’entretien hydraulique, les inspections et les réparations. Selon les données recueillies par les chercheuses lors de l’enquête auprès de plusieurs villes dans le monde, les coûts d’entretien annuels varient considérablement, allant de 1 $ à 30 $/m² pour les systèmes de biorétention et les jardins de pluie, et de 1 $ à 3 $/m² pour les pavages perméables.

 

 

 

Phase 2 – Revue de la littérature

La revue de littérature a par la suite souligné les nombreux avantages offerts par les infrastructures vertes, allant de la gestion efficace des eaux pluviales à des bénéfices environnementaux plus larges. Ces avantages doivent être contrebalancés par les coûts d’investissement et d’entretien. L’étude soulève l’importance de quantifier économiquement les bénéfices environnementaux et socio-économiques de ces infrastructures, tout en reconnaissant les défis liés à leur mise en œuvre et à leur entretien. Les chercheuses présentent divers outils d’analyse économique, mais notent que leur application est souvent limitée à leur région d’origine.

 

Enfin, le rapport souligne l’importance d’une collaboration étroite entre les entités responsables, les concepteurs et les planificateurs pour une intégration réussie de ces infrastructures dans le tissu urbain.

 

Phase 3 – Cas d’analyse

Pour évaluer l’efficacité économique des IV, des analyses coûts-avantages ont été réalisées dans trois études de cas au Québec : deux à Montréal (bassin Mont-Royal et rue Gilford) et une à Laval (quartier des Abeilles). Ces études visaient à comparer les différentes solutions pour réduire les débordements des réseaux d’égouts unitaires, en se concentrant sur les jardins de pluie et les cellules de biorétention.

 

Les résultats de ces études de cas ont révélé que la mise en place d’IV pour la gestion des eaux pluviales est économiquement viable, avec un rapport avantages-coûts (RAC) supérieur à 1 dans la majorité des scénarios. Les jardins de pluie ont généralement présenté des RAC plus élevés que les systèmes de biorétention, mais ces derniers ont évité un volume de réservoir plus important.

 

En conclusion, les infrastructures vertes offrent une solution prometteuse et durable pour la gestion des eaux pluviales urbaines, avec des avantages hydrauliques, environnementaux et sociétaux. Leur mise en œuvre efficace requiert une planification minutieuse, un entretien adapté et une sensibilisation des parties prenantes, contribuant ainsi à la résilience urbaine face aux changements climatiques.

 

L’Observatoire de la gestion intégrée de l’espace public urbain du CERIU tient à remercier Marie-Ève Jean, docteure en sciences de l’eau, et Laura Milena Solarte Moncayo, doctorante, pour les travaux de recherche de ce mandat. Nous remercions également Sophie Duchesne, professeure à l’INRS et titulaire de la Chaire de recherche municipale en gestion durable de l’eau, pour sa précieuse contribution au mandat de recherche et pour sa supervision éclairée des travaux et des livrables.

 

  1. Observatoire mis en place en 2020 par le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines (CERIU)

 

Populaires

Publicitéspot_img