Nous avons appris, plus tôt en septembre, que le gouvernement québécois souhaitait mettre en place un plan d’action incluant 500 millions de dollars afin de mieux protéger les sources d’eau potable et conserver les écosystèmes marins du territoire québécois. Cet investissement vient à point nommé, car les enjeux liés aux ressources en eau sont criants, aussi bien quant à la quantité de l’eau disponible qu’à la qualité de celle-ci. L’un des points cruciaux rattachés à la qualité de l’eau : la détérioration en lien avec les algues et les cyanobactéries.
Lorsqu’on discute avec les responsables des infrastructures en eau des municipalités, on se rend compte que la problématique de la ressource est souvent devenue un véritable casse-tête. En effet, plusieurs nappes phréatiques se tarissent, et les municipalités travaillant avec de l’eau de surface notent une diminution considérable de sa qualité sur plusieurs plans, à commencer par les cours d’eau. Ceux-ci sont parfois contaminés, entre autres par des rejets d’eaux usées mal traités, au point où les activités nautiques y sont impossibles. Notons également les lacs affectés par des rejets agricoles, municipaux et industriels, qui entraînent une accumulation de nutriments menant ensuite à une eutrophisation et à des conditions propices à la génération de cyanobactéries dans les lacs.
Les cyanobactéries sont des bactéries photosynthétiques. Elles sont souvent appelées « algues bleues » ou « algues bleu-vert », bien que dans les faits, ce ne sont pas des algues. Les cyanobactéries sont normalement présentes dans nos lacs et rivières en faible concentration. Elles contiennent des toxines, comme la microcystine, qui se libèrent lorsque les cellules se rompent ou meurent. Comme pour beaucoup d’autres enjeux du domaine de l’eau, tout n’est qu’une question de quantité.
Au Québec, plusieurs lacs ont été touchés dans les dernières années. Ce fut le cas cet été pour le lac Champlain, en Estrie, qui a vu une partie de ses prises d’eau situées dans la baie Missisquoi complètement contaminée pendant plusieurs semaines. Cela a posé un problème majeur pour la population, qui était dans l’impossibilité de consommer l’eau, mais également pour les industries situées sur le territoire. Cette problématique touche plusieurs autres points d’eau en Montérégie et dans le sud du Québec, mais aussi beaucoup plus au nord.
Les différents traitements
Pour traiter les cyanotoxines, plusieurs procédés peuvent être appliqués. Lorsque les cellules sont intactes, elles peuvent être éliminées physiquement par des méthodes de filtration traditionnelles ou membranaires. Les procédés de filtration précédés d’une décantation présentent toutefois certains risques de lyse cellulaire dans les décanteurs, ce qui peut augmenter la concentration de toxines dans l’eau traitée. La filtration directe membranaire est donc préférable.
L’utilisation d’oxydants chimiques, comme l’ozone ou le permanganate, permet de réduire la quantité totale de cyanotoxines, mais peut aussi accroître la concentration de toxines dissoutes, encore une fois à cause de la lyse des cellules. Il est donc recommandé de procéder à l’oxydation chimique après avoir éliminé physiquement les cyanobactéries.
L’adsorption sur charbon actif est très efficace pour éliminer les toxines dissoutes comme les microcystines, mais elle ne traite pas les cellules intactes. Enfin, l’oxydation avancée (UV + peroxyde ou ozone + peroxyde) s’avère également une solution efficace contre les cyanotoxines qui sont logées dans les cellules de cyanobactéries. Des essais en laboratoire sont toutefois recommandés avant de mettre en place un procédé d’oxydation avancé pour un site particulier.
Il existe donc différents outils pour les municipalités et les industries qui font face à des enjeux de toxicité de l’eau liés aux cyanobactéries et aux cyanotoxines. Nous recommandons fortement aux producteurs d’eau ayant une source d’eau sensible à ces enjeux de mettre en place, de façon préventive, un plan d’action avec une combinaison de traitements préidentifiés et de solutions externes. Que ce soit pour gérer un problème de cyanobactéries ou d’autres enjeux de contamination ou de pénuries d’eau, de nombreuses municipalités doivent s’entendre, parfois en urgence, avec des municipalités voisines ou louer des systèmes de traitement temporaire pour avoir accès à de l’eau potable de qualité. En situation de crise, ce genre d’entente peut être particulièrement coûteux. Il est important de bien considérer l’eau pour ce qu’elle est : une ressource essentielle à notre confort et à notre survie, dont l’accès est non négociable pour la population.
Pour les collectivités, il est essentiel de travailler cet enjeu de façon globale, avec une gestion par bassin versant permettant une compréhension des rejets de polluants dans les points d’eau et une identification des situations critiques. Il va sans dire que les municipalités découvriront souvent que ces polluants viennent de rejets industriels, mais aussi municipaux, qui pourraient être contrôlés à la source de façon beaucoup plus efficace. Une stratégie de diagnostic et de traitements ciblés et une étape clef de la réduction des cyanobactéries. Cela peut vouloir dire un contrôle accru des rejets agricoles dans les cours d’eau tout comme la mise en place de traitements tertiaires adaptés pour la réduction du phosphore aux usines de traitement des eaux usées.
Cela fait déjà six ans que je participe à la revue Source, et c’est toujours avec plaisir que je profite de l’occasion qui m’est donnée pour présenter des sujets chauds sur le traitement des eaux et des biosolides. Après 20 ans, on peut dire que Source est devenue un incontournable dans le domaine. Avec le vieillissement des infrastructures et l’ensemble des enjeux environnementaux auxquels nous faisons face, il ne fait aucun doute que le magazine aura encore sa place pour de nombreuses années !
Nous recommandons fortement aux producteurs d’eau ayant une source d’eau sensible à ces enjeux de mettre en place, de façon préventive, un plan d’action avec une combinaison de traitements préidentifiés et de solutions externes.