La création de l’Agence canadienne de l’eau est promise depuis 2019, au moment où le premier ministre du Canada a formellement demandé au ministre de l’Environnement et du Changement climatique d’en faire une priorité. Après s’être fait accorder un budget en 2023, l’Agence a été mise sur pied en tant qu’une des nombreuses directions d’Environnement et Changement climatique Canada. Sa loi constitutive, la Loi sur l’Agence canadienne de l’eau1, a été sanctionnée le 20 juin 2024, ce qui annonçait la fin du processus théorique de création de cette agence. C’est dans les faits le 16 octobre 2024 que l’Agence a finalement vu le jour à titre d’organisme autonome2. Le présent texte brosse le portrait de cette organisation, en abordant le mandat et les responsabilités de ce nouvel acteur dans le domaine de la gestion et de la protection des ressources en eau douce.
Son mandat
Le mandat de l’Agence est d’améliorer la gestion de l’eau douce au Canada, principalement en jouant un rôle de coordonnatrice des projets qui impliquent différents organismes fédéraux, mais également à titre de partenaire de projets menés par les différents paliers de gouvernement, intervenants et peuples autochtones. L’Agence n’a donc pas pour rôle de faire appliquer la loi ou de mettre en place des régimes réglementaires liés à l’eau douce ; elle se contente de soutenir les efforts de gestion de l’eau douce, autant à travers les connaissances scientifiques qu’elle diffuse que le soutien matériel et financier qu’elle peut fournir. Cela étant, ses interventions restent assez variées, allant du suivi de l’état de l’eau douce à la coordination de stratégies pangouvernementales, en passant par la facilitation de l’accès aux données et outils fédéraux sur l’eau douce. Trois responsabilités se démarquent particulièrement.
Trois responsabilité majeures
L’une des responsabilités les plus importantes de l’Agence est la mise en œuvre du Plan d’action sur l’eau douce. Ce dernier a fixé plusieurs orientations d’importance visant l’amélioration de la qualité de l’eau douce ainsi que la restauration et la protection de huit plans d’eau d’importance nationale (soit les Grands Lacs, le lac Winnipeg, le lac des Bois, le lac Simcoe, le fleuve Saint-Laurent, la rivière Saint-Jean, le fleuve Fraser et le fleuve Mackenzie). À cet effet, l’Agence procède notamment à l’octroi de sommes d’argent pour des travaux de surveillance, d’évaluation et de restauration de ces plans d’eau d’importance nationale. Elle fournit également des fonds pour la diffusion de données scientifiques pertinentes à ceux-ci.
Un autre mandat d’importance de l’Agence est celui de la modernisation de la Loi sur les ressources en eau du Canada 3. Cette loi, initialement adoptée en 1970 en vue de créer un cadre de gestion de la qualité des eaux fédérales ou d’intérêt national, doit être revue en profondeur par l’Agence. Celle-ci pourra soumettre ses recommandations de modification ou d’amélioration de ce régime, pour lequel aucun règlement n’est actuellement en vigueur. L’Agence s’attardera notamment à l’adaptation de cette loi en tenant compte de l’évolution des droits des peuples autochtones et de la menace des changements climatiques. Une première vague de consultation pour les provinces et partenaires autochtones a eu lieu au courant de l’été 2024, et la consultation du grand public se déroulera au cours de l’année 2025.
Finalement, l’Agence aura aussi pour rôle d’élaborer la Stratégie nationale en matière de données sur l’eau douce. Cette stratégie aura pour objectif de déterminer les meilleures pratiques concernant l’organisation et le partage des données sur l’eau douce. Son but est ultimement d’améliorer, pour le grand public, l’accès à des banques de données diverses et complètes sur l’eau douce, en plus d’en améliorer l’intelligibilité. Un document de travail sur la création de cette stratégie a été publié à l’été 2024 afin d’obtenir des commentaires du public, après un atelier de consultation s’étant tenu en 2021. La finalisation et la publication de la version définitive de la stratégie peuvent donc être attendues à partir de 2025.
Commentaires
L’Agence de l’eau du Canada nous semble avoir un mandat intéressant et utile à plusieurs égards, particulièrement dans son rôle de coordonnatrice ou de facilitatrice dans la gestion de plans d’eau impliquant de nombreux intervenants, gouvernements ou peuples autochtones, de créatrice d’outils et de lignes directrices sur l’eau douce et de fournisseuse de fonds consacrés à la recherche et à la protection des plans d’eau. L’avenir nous dira si elle réussit à s’imposer comme un acteur incontournable de ce milieu. Par contre, de prime abord, il nous semble que l’Agence n’aura que peu de mordant pour faire valoir aux autres paliers gouvernementaux ses recommandations et opinions quant à la gestion des plans d’eau douce, car elle ne dispose d’aucun pouvoir réglementaire direct ou de manière de contrôler l’application des lois canadiennes sur l’eau douce. Il est donc à prévoir que sa sphère d’influence à titre d’agence de conseil et d’expertise se limitera, à tout le moins pour les premières années de son existence, aux organismes de l’ordre fédéral.
- Loi sur l’Agence canadienne de l’eau, L.C. (2024), ch. 15, art. 209.
- Agence de l’eau du Canada. (2024). Lancement de l’Agence de l’eau du Canada à titre d’entité autonome. https://www.canada.ca/fr/agence-eau-canada/nouvelles/2024/10/lancement-de-lagence-de-leau-du-canada-a-titre-dentite-autonome.html 3
- Loi sur les ressources en eau du Canada, L.R.C. (1985), ch. 11.