ÉditosFaire de l’eau une priorité sociétale

Faire de l’eau une priorité sociétale

Par André Dumouchel

Alors que j’étais sur la route dernièrement, j’ai voulu faire un arrêt rapide pour m’acheter un café. À ma grande surprise, le commerce demandait à ses clients de se diriger exclusivement vers le service au volant. À côté de la note justificative affichée sur la porte de l’établissement, il y avait une seconde note : « Employés recherchés ! »

Cet incident m’a rappelé une autre anecdote vécue quelques semaines plus tôt, alors que je magasinais dans une grande quincaillerie avec fiston. Ma conjointe m’avait gentiment suggéré d’aller demander l’aide d’un expert pour me conseiller avant d’entamer mon nouveau projet de rénovation.

Quand l’employé est arrivé dans l’allée, d’un pas nonchalant, j’ai été stupéfait de noter non seulement qu’il terminait à peine sa puberté, mais aussi qu’il était compagnon d’école de mon ado. Je dois avouer que je cherchais davantage les conseils d’un Roger, 69 ans, aux mains maganées que ceux de Félix-Antoine, 16 ans, rempli de bonnes intentions !

Je ne suis évidemment pas le seul à vivre ces situations. Nous pourrions probablement tous nommer des dizaines d’anecdotes de ce genre vécues au cours des deux dernières années.

Le constat général est sans équivoque : actuellement, dans un très grand nombre de secteurs, la pénurie de main-d’œuvre force les employeurs à revoir à la baisse (bien malgré eux) leurs standards de qualité et de services. 

Il ne faut toutefois pas commettre l’erreur de penser que cette diminution de la qualité et des services est propre au secteur du service à la clientèle, loin de là. On le voit malheureusement dans le réseau de l’éducation et dans le système de santé. Ces services on ne peut plus essentiels tentent de pallier le manque de travailleurs en trouvant les endroits où les compressions feront le moins de dommages.

Dans ce contexte, pour le présent numéro, nous avons tenté de brosser le portrait le plus juste des conséquences de la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur de l’eau.

En plus d’être au cœur de l’environnement, le secteur de l’approvisionnement et du traitement de l’eau est un service essentiel, qui a des répercussions directes sur la santé publique.

Baisser la garde en ce qui a trait à la qualité des services n’est donc pas une solution, mais le contexte actuel rend la tâche extrêmement difficile aux employeurs publics et privés. 

Au moment où la pénurie les frappe de plein fouet, les départs à la retraite creusent un trou béant de quelque 2 000 professionnels à remplacer d’ici 2024. Oui, vous avez bien lu : 2024. Pour accentuer les besoins criants, on constate une méconnaissance des métiers de la filière de l’eau chez les jeunes, qui leur préfèrent d’autres industries jugées plus attrayantes. Résultat : nos établissements de formation de haut niveau, reconnus ici et ailleurs, peinent à remplir leurs classes.   Si vous voulez mon avis, la situation ne risque pas de changer de sitôt avec la récente annonce du gouvernement du Québec, qui lance plutôt une offensive de formation pour le marché de la construction, laquelle vise à former de 4 000 à 5 000 personnes supplémentaires pour qu’elles occupent des métiers en forte demande sur les chantiers.

Ces formations seront de courte durée et les étudiants recevront un soutien de 750 $ par semaine durant leur parcours. Une mesure exceptionnelle et ponctuelle du gouvernement pour une situation sûrement critique dans le domaine de la construction, je n’en doute point.

Si noble soit-elle, cette mesure pourrait avoir une incidence néfaste sur la décision que prendront les jeunes et les moins jeunes en quête d’un nouveau travail. Choisiront-ils un métier de l’eau ou un métier de la construction, croyez-vous ?

Les trois experts rencontrés sonnent l’alarme à propos de la situation actuelle, mais ils sont loin de jeter l’éponge. Selon eux, plusieurs solutions sont possibles pour remettre l’industrie à flot, notamment du côté des formations accélérées, qui permettraient entre autres la réallocation ou la requalification de la main-d’œuvre. On pense également à la simplification de l’immigration ainsi qu’à l’implantation au Québec de systèmes de formation qui font leurs preuves à l’étranger.

Au moment où les bouleversements sociaux et les changements climatiques sont déterminés à créer des défis dans le secteur de l’eau, il semble donc que les réponses sont sur la table et que les membres de l’industrie sont plus que jamais prêts à s’unir pour braver la tempête.

Encore faut-il que les mots d’ordre soient la concertation et la collaboration entre les différents acteurs afin que tout le monde rame dans le même sens et que l’on refasse de l’eau une priorité sociétale au Québec.

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