Americana, le rendez-vous biennal organisé par Réseau Environnement, est de retour au Palais des congrès de Montréal après un passage en ligne en 2021. Du 20 au 22 mars, la programmation réunit plus de 200 personnes appartenant aux communautés techniques, de recherche, de gestion d’organisations publiques et de direction d’entreprises dans le domaine de l’environnement en provenance du Québec, du reste du Canada, des États-Unis, d’Europe et d’Afrique.
Pour sa 15e édition, Americana reste fidèle à sa formule couronnée de succès depuis 28 ans. Il présente un salon réunissant 180 kiosques d’exposition, une centaine de conférences, de panels et d’ateliers techniques et scientifiques, ainsi qu’un jumelage d’entreprises actives dans différents secteurs de l’environnement, que ce soit l’eau, les matières résiduelles, les sols, l’air, les changements climatiques ou la biodiversité. L’objectif est de permettre aux différents acteurs du domaine de mettre à jour leurs connaissances et de découvrir les dernières avancées techniques, technologiques et scientifiques de même que les projets les plus novateurs.
« Après quatre ans sans s’être retrouvée en personne, la communauté est bien heureuse de se rassembler à nouveau pour réseauter dans le plus grand événement francophone multisectoriel en environnement en Amérique du Nord », affirme Mathieu Laneuville, président-directeur général de Réseau Environnement, qui organise Americana.
L’événement réunit en effet un grand nombre d’intervenants des sphères professionnelles, décisionnelles, scientifiques et entrepreneuriales dans les différents secteurs liés à l’environnement.
« À Americana, la faune qui interagit a un ton amical. Plusieurs personnes se connaissent parce qu’elles se côtoient dans différents événements, et c’est aussi un lieu qui réunit beaucoup de gens d’autres pays, alors les rencontres sont très riches », témoigne Nathalie Drapeau, directrice générale de la Régie intermunicipale de traitement des matières résiduelles de la Gaspésie, qui s’implique à Americana depuis le début et qui a même été présidente de Réseau Environnement de 1999 à 2001.
Délégués de différents pays et grandes pointures
Pour son volet international, Americana collabore notamment avec Investissement Québec International, Affaires mondiales Canada et des délégations du Québec à l’étranger. L’objectif est de découvrir les besoins des industries du Québec et d’autres pays afin de trouver des façons qu’elles fassent des affaires ensemble. « Une trentaine de délégations de différents pays en Amérique latine et du Nord, en Europe, en Asie et en Afrique sont à Americana pour avoir la chance de rencontrer plusieurs entreprises au même endroit », indique Mathieu Laneuville.
L’événement accueille aussi souvent des personnalités politiques. Cette année, Steven Guilbeault, ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, est conférencier d’ouverture.
« Americana est un événement d’importance pour l’avancée des technologies propres et la mise en commun des savoirs, des projets et des passions vers une économie carboneutre. Je suis très heureux que l’événement se tienne à Montréal et de pouvoir y prendre part », affirme le ministre.
Pour le panel sur l’écofiscalité, on entendra notamment Carlos Leitão, ministre des Finances du Québec de 2014 à 2018, et Nicolas Marceau, ministre des Finances du Québec de 2012 à 2014.
Nathalie Drapeau se souvient d’ailleurs d’une rencontre faite à Americana en 2001, lorsqu’elle était présidente de Réseau Environnement et également enceinte… à un mois de son accouchement ! Alors qu’elle avait pris quelques minutes pour reprendre son souffle dans le petit salon de repos, elle s’était retrouvée avec David Anderson, à l’époque ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique. « Il se reposait lui aussi sur un fauteuil, raconte-t-elle. Nous jasions de tout et de rien. Quel personnage ! Pour moi, cela a vraiment été un moment marquant. Je me suis sentie privilégiée de le rencontrer et cela n’aurait pas été possible sans Americana. »
Le rôle clé des bénévoles
Mathieu Laneuville, qui a pris la tête de Réseau Environnement l’an dernier, se rappelle aussi à quel point il avait été impressionné à sa première participation à l’événement. « J’étais responsable de la Stratégie québécoise d’économie d’eau potable au gouvernement du Québec, se souvient-il. J’avais soif d’apprendre et de rencontrer des personnes ayant différentes expertises, alors j’assistais à plusieurs événements, mais Americana m’avait frappé dès le départ par son envergure. »
Après y avoir été participant, Mathieu Laneuville y a été panéliste, puis il s’est impliqué dans le comité scientifique. Ils sont d’ailleurs nombreux à prendre le même chemin, qu’ils proviennent de ministères, de municipalités, d’universités ou d’entreprises privées.
« Réseau Environnement est la seule association qui regroupe tous les types de spécialistes en environnement au Québec : ce sont des gens qui veulent faire une différence, affirme-t-il. Beaucoup d’entre eux s’impliquent comme bénévoles dans différents comités. Et ils ont une grande marge de manœuvre. »
Nathalie Drapeau, qui continue d’ailleurs à s’investir dans des comités techniques pour préparer Americana, confirme cette affirmation. « Il est clair que nous avons un grand pouvoir de décision sur le contenu, explique-t-elle. Les comités de bénévoles sont composés de gens qui ont des expertises particulières et qui connaissent très bien les grands enjeux de leur domaine. Ils recommandent des conférenciers et des exposants à approcher : ce sont vraiment eux qui nourrissent le programme proposé à l’équipe de Réseau Environnement. C’est un événement qui vient de la base et qui garde toujours sa pertinence. »
Le salon d’exposition
Nouvelles technologies, innovations, jeunes pousses : Americana 2023, c’est plus de 180 exposantes et exposants. « On remplit le Palais des congrès et il faut pratiquement les trois jours de l’événement pour faire le tour des kiosques », indique fièrement Mathieu Laneuville.
Pour les entreprises présentes, c’est une occasion de se faire connaître et de présenter de nouveaux produits, mais aussi de préparer le terrain pour des ventes. « Les gens qui visitent le salon d’exposition se mettent à jour, découvrent de nouvelles technologies qui sont toutes réunies sous le même toit, alors ils gagnent du temps, illustre le PDG de Réseau Environnement. Bien sûr, il faut généralement être patient avant de voir des ventes se réaliser, parce que les acheteurs sont souvent des ministères et des municipalités, donc ils doivent passer par des appels d’offres, mais c’est une première étape. »
Par exemple, Nathalie Drapeau se souvient qu’il y a quelques années, elle avait été séduite par un fournisseur anglais venu à Americana présenter un équipement de transformation du verre. « À la fin de sa présentation, je suis allée lui dire que je voulais sa machine chez nous, raconte-t-elle. Un ou deux ans plus tard, Éco Entreprises Québec lançait un projet pilote avec ce fournisseur. Il est venu en Gaspésie et je lui ai rappelé ce que je lui avais déjà dit. Nous utilisons toujours sa machine, d’ailleurs ! »
Le programme de conférences
En plus du salon d’exposition, plus de cent conférences, panels et tables rondes composent la programmation d’Americana 2023. Études de cas, renseignements techniques et scientifiques, résultats de recherche, présentations de projets : les participants à Americana ont ainsi accès à une foule d’informations en trois jours.
Les activités sont regroupées par sessions sous six thèmes : eau, matières résiduelles, air, changements climatiques et énergie, sols et eaux souterraines, biodiversité. Certains panels s’adressent toutefois aux participants de tous les secteurs d’activité. « Il sera question de sujets de l’heure, comme l’écofiscalité, alors que l’on cherche des outils à donner aux décideurs pour atteindre les cibles environnementales », indique Mathieu Laneuville.
L’économie circulaire – l’utilisation de déchets comme matière première – est aussi un élément au menu. « Bien sûr, il faut réduire sa consommation à la source, réutiliser, recycler, mais également revaloriser les matières pour les employer à nouveau au lieu d’utiliser de nouvelles ressources », explique le PDG de Réseau Environnement, qui rappelle que l’humanité ne cesse de consommer davantage chaque année.
Americana est donc un lieu pour discuter, pour regarder ce qui se fait ici et ailleurs afin de trouver des solutions à différents enjeux. « Il y a des thèmes de conférences qui reviennent chaque année, alors un suivi se fait, puis il y a toujours des nouveautés, des découvertes », indique Nathalie Drapeau.
Elle mentionne aussi que c’est un lieu de choix pour échanger avec ses partenaires actuels ou futurs et apprendre les dernières nouvelles. « Par exemple, les gouvernements provincial et fédéral annoncent souvent à Americana de nouveaux programmes, de nouveaux outils, ou des mises à jour réglementaires, illustre-t-elle. C’est toujours utile d’y assister. »
Le programme de maillage d’entreprises
L’une des missions d’Americana est d’aider les entreprises dans le domaine de l’environnement à faire des affaires. S’il est toujours possible d’assister à des conférences et d’aborder des gens à la pause-café, on peut aussi prévoir des rendez-vous d’affaires grâce à la plateforme B2B/2GO. « Par exemple, les acheteurs qui viennent de l’étranger peuvent organiser en amont des rencontres avec des entreprises québécoises qui proposent des technologies qui les intéressent », indique Mathieu Laneuville.
Il ajoute qu’alors que des compagnies d’assurance refusent de couvrir des organisations aux prises avec des enjeux liés aux changements climatiques et que les investisseurs choisissent de plus en plus des entreprises qui respectent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, un nombre grandissant d’entreprises réalisent qu’il est rentable de prendre le virage vert. « Il faut maintenant grossir la table de l’économie verte, créer des ponts entre les organisations pour les aider à aller de l’avant afin qu’ensemble, on atteigne les objectifs de carboneutralité », précise-t-il.
Encore du chemin à parcourir
Alors que le gouvernement canadien s’est engagé à ce que le pays devienne carboneutre en 2050, il reste beaucoup à faire pour y arriver. « Cela ne signifie pas que nous ne polluerons plus, indique Mathieu Laneuville, mais plutôt que nous réduirons nos émissions et que nous capterons le carbone, entre autres. Rassembler une foule d’exposants au même endroit au même moment aide les décideurs à prendre les meilleures décisions. Americana est aussi un lieu où on peut discuter avec différents acteurs des objectifs à atteindre et du plan de match à adopter. »
Il y a également des objectifs à atteindre du côté de la biodiversité, notamment à la suite de la dernière COP15, tenue à Montréal, où les pays se sont entendus pour protéger 30 % des terres et 30 % des mers d’ici 2030. « Nous voulons sensibiliser nos membres à ce sujet, affirme Mathieu Laneuville. De plus en plus d’ailleurs, on réalise à quel point les différents secteurs du domaine de l’environnement sont interconnectés. Par exemple, si on protège des forêts, il y aura bien sûr un effet sur la biodiversité, mais on captera aussi plus de carbone, donc cela aura des répercussions sur la qualité de l’air. »
Ainsi, travailler sur un objectif en aide souvent plusieurs. Autre exemple : une entreprise qui commence à réutiliser certains rejets aura besoin de moins de nouvelles ressources prises dans les forêts, notamment. Et cela nécessitera moins de transport, donc réduira la quantité de carbone rejeté dans l’air.
« C’est encourageant, affirme Mathieu Laneuville, mais il faudra faire davantage dans les prochaines années en matière d’environnement pour que le Québec et le Canada atteignent leurs objectifs. Americana s’inscrit comme un facilitateur. »
« Americana est un événement d’importance pour l’avancée des technologies propres et la mise en commun des savoirs, des projets et des passions vers une économie carboneutre. Je suis très heureux que l’événement se tienne à Montréal et de pouvoir y prendre part. »
— Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique
« Ce sont vraiment eux [les bénévoles] qui nourrissent le programme proposé à l’équipe de Réseau Environnement. C’est un événement qui vient de la base et qui garde toujours sa pertinence. »
— Nathalie Drapeau
« Les acheteurs qui viennent de l’étranger peuvent organiser en amont des rencontres avec des entreprises québécoises qui proposent des technologies qui les intéressent. »
— Mathieu Laneuville
Des idées de grandeur dès la fondation
Des idées de grandeur habitaient dès le départ les cofondateurs d’Americana, Éric Bouchard (alors directeur général de l’Association québécoise des techniques de l’eau [AQTE], devenue Réseau Environnement) et Jean-Pierre Dubois (alors contractuel en organisation d’événements).
« J’avais organisé un petit salon provincial pour l’AQTE en 1993 et par la suite, Éric et moi avons eu l’idée d’organiser un événement à portée internationale, raconte Jean-Pierre Dubois. Nous avons ainsi présenté le projet au gouvernement fédéral. »
« En 1994, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entrait en vigueur, il y avait une ouverture sur le monde, c’était tout le mouvement de la mondialisation qui commençait », renchérit Éric Bouchard, aujourd’hui copropriétaire des cinémas Saint-Eustache et Saint-Jérôme.
C’était aussi l’époque où on comprenait que les questions environnementales étaient de plus en plus interconnectées – d’où la création de Réseau Environnement. « Il n’y avait pas au Québec de joueur qui rassemblait des spécialistes des différents secteurs liés à l’environnement, ajoute Éric Bouchard. Nous avons voulu créer Americana pour jouer ce rôle dans les Amériques afin de trouver des solutions pratiques aux différents enjeux. »
Le gouvernement fédéral a appuyé l’événement dès sa première édition. « C’est certain que l’aspect commercial profitable aux entreprises d’ici l’intéressait, explique M. Dubois. Grâce à Americana, l’expertise du Québec pouvait rayonner au Canada, aux États-Unis et ailleurs. À ce moment-là, cela manquait. C’était aussi l’occasion de découvrir les manières dont les experts des autres pays agissent face à différentes problématiques. L’idée, c’était de se décloisonner. »
S’il affirme être fier d’avoir créé Americana avec Éric Bouchard, Jean-Pierre Dubois continue à graviter autour de son bébé. Avec OPC, la firme d’organisation d’événements qu’il a fondée, il a organisé Americana à quelques reprises au fil des ans. Puis, avec B2B/2GO, une entreprise qu’il a créée en 2012 pour mettre au point une plateforme de prise de rendez-vous dans des événements, il sera l’un des fournisseurs de services d’Americana cette année.
« Je suis très heureux de continuer à y contribuer, parce que l’événement a encore sa pertinence, affirme-t-il. À l’époque, nous étions un peu des précurseurs à parler d’environnement, mais aujourd’hui, c’est encore plus d’actualité. Plusieurs technologies vertes sont maintenant disponibles et émergentes, et c’est le temps de passer à l’action. »
« Grâce à Americana, l’expertise du Québec pouvait rayonner au Canada, aux États-Unis et ailleurs. À ce moment-là, cela manquait. »
— Jean-Pierre Dubois