Depuis les années 1990, la floculation lestée est une révolution dans le domaine du traitement de l’eau potable, augmentant significativement la capacité des usines de traitement. Cette technologie venue d’Europe permet d’accroître de façon importante la charge superficielle et de diminuer d’autant l’espace requis pour les décanteurs. Ces gains d’espace compensent facilement les hausses de coûts en produits chimiques et en énergie, particulièrement en zone urbaine.
La floculation lestée a fait ses preuves et est maintenant de plus en plus utilisée pour traiter les eaux usées : elle est désormais assez bien maîtrisée pour être considérée comme technologie conventionnelle du Guide pour l’étude des technologies conventionnelles de traitement des eaux usées d’origine domestique du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
En résumé, la décantation avec floculation lestée est un procédé de séparation physico-chimique consistant à fixer des particules de flocs sur un agent lestant (plus dense) à l’aide d’un conditionnement chimique incluant du coagulant et/ou du polymère. En combinant ces produits à une optimisation de la décantation lamellaire, il est possible d’accélérer la décantation des particules et d’atteindre des charges superficielles de cinq à dix fois plus grandes que des décanteurs conventionnels. À la base, dans le domaine des eaux usées, on utilise la floculation lestée pour réduire la matière en suspension (« MES »). En fonction de l’application, cela peut avoir pour effet :
- De réduire la fraction particulaire de la demande biochimique en oxygène ;
- De coaguler et de décanter le phosphore dissous et les particules de phosphore dissous ;
- De floculer et de décanter plusieurs autres composantes, dont l’azote et les métaux ;
- D’accélérer la décantation pour des décanteurs existants.
Par conséquent, la floculation lestée peut être utilisée pour toutes les applications nécessitant un décanteur, que ce soit en décantation primaire, secondaire (dans un traitement à boue activée ou après un traitement par biofilm fixé) ou tertiaire (enlèvement de MES ou de phosphore), pour des applications de traitement des eaux d’orage ou pour des applications industrielles.
Les avantages de la floculation lestée sont :
- Sa compacité, avec une emprise au sol qui est une fraction d’une technologie classique ;
- Sa réactivité pour atteindre une pleine efficacité au démarrage ;
- Sa capacité à produire un effluent de très bonne qualité avec des concentrations en MES de <10 mg/l et en phosphore de <0,1 mg/l.
Ses désavantages sont les suivants :
- La floculation lestée nécessite une utilisation plus importante de produits chimiques, dont le dosage variera en fonction de la qualité de l’eau ;
- Ce procédé demande plus d’implication des opérateurs et requiert une instrumentation dont la calibration doit être assurée en tout temps, particulièrement si les caractéristiques de l’eau sont changeantes ;
- La perte d’agent lestant peut causer une détérioration prématurée des équipements en aval, en plus d’entraîner des frais de nettoyage des canaux et de la tuyauterie ainsi que des coûts associés au média.
Différents supports peuvent être utilisés comme élément lestant : de la boue recirculée, du microsable et de la magnétite.
- Le premier type de floculation lestée consiste à recirculer une partie des boues densifiées afin d’atteindre des concentrations très élevées en solides (>30 g/l). Les boues densifiées et recirculées font alors office d’agent lestant, entraînant les particules avec elles. Du polymère est injecté avec les boues densifiées pour accélérer le processus de floculation. Une zone de coagulation à mélange rapide précède l’injection de floculant et est suivie d’une zone de transition (dégraissage), puis d’une zone de décantation lamellaire. Cette technologie a comme avantage de ne requérir aucun équipement pour séparer l’agent lestant.
- Dans le cas de la floculation assistée au microsable, l’affluent est combiné à un coagulant – généralement du chlorure ferrique ou de l’alun – dans un réservoir de mélange rapide, où le microsable et le polymère sont ajoutés. Le microsable multiplie la surface de contact, favorisant l’intégration des polluants et des particules et agissant comme lest pour accélérer la décantation du floc, ce qui permet de réduire de manière importante l’emprise au sol du décanteur. Un hydrocyclone est utilisé pour séparer le sable de la boue captée. La gravité entraîne le microsable vers les parois de l’hydrocyclone, où il est récupéré pour être réinjecté. Les particules moins denses sont évacuées par le courant à l’intérieur de l’hydrocyclone vers le traitement des boues ou en tête de traitement, selon la configuration du procédé.
- Depuis une quinzaine d’années, une nouvelle génération d’agents lestants a vu le jour : au lieu du sable, de la magnétite est utilisée comme lest. Un tambour magnétique à aimant permanent sert alors à la récupération de l’agent lestant. La magnétite est beaucoup plus simple à récupérer et présente moins de risques de court-circuitage. L’injection de magnétite peut également être intégrée directement dans un procédé secondaire en utilisant le bassin de boue activée pour le mélange et le décanteur existant pour la récupération du mélange de boue et d’agent lestant sans requérir de polymère. Cela a pour effet d’augmenter la charge superficielle admissible au décanteur et d’utiliser une liqueur mixte plus concentrée, ce qui permet de traiter une charge plus importante ou d’intégrer des étapes de traitement des nutriments à la filière de traitement.
La floculation lestée est un procédé clef dans le traitement de l’eau au Québec. Son application dans le domaine des eaux usées est une évolution logique dans un contexte d’accroissement de la population, de resserrement des normes et de défis liés à la disponibilité du territoire. Les applications de cette technologie sont multiples et permettront certainement d’améliorer la qualité des effluents municipaux et industriels, un pas de plus pour assurer la qualité de notre environnement.