Sur le radarTraquer la COVID-19 dans les eaux usées Le Québec à...

Traquer la COVID-19 dans les eaux usées Le Québec à la traîne

Par Guy Des Rochers

L’initiative de quelques chercheurs québécois consistant à traquer dans les eaux usées le SRAS-CoV-2, virus responsable de la COVID-19, était un projet si innovant que l’on aurait pu croire que le gouvernement du Québec se serait empressé de l’intégrer, à grande échelle, à un plan de lutte contre la pandémie. Mais cela ne fut pas le cas.

« Il s’agissait d’un projet de recherche d’une durée limitée, dont les fonds nécessaires ont fini par se tarir, et nous avons fait un dernier relevé d’échantillons au début décembre 2021 », explique Sarah Dorner, professeure titulaire au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal, qui s’est mise à collecter des échantillons d’eaux usées dès les premiers jours de la pandémie.

Rappelons qu’au printemps 2021, le magazine Source avait mis à la une cette recherche de pointe, qui démontrait une réelle corrélation entre la concentration de virus dans les eaux usées et l’état de santé de la population. Les chercheurs participants étaient Sarah Dorner, Peter Vanrolleghem, professeur titulaire au département de génie civil et de génie des eaux de l’Université Laval, et Dominic Frigon, professeur agrégé au département de génie civil de l’Université McGill. Ce dernier coordonnait ce projet au Centre québécois de recherche sur la gestion de l’eau (CentrEau).

Un outil novateur, efficace et économique

Cette valeureuse équipe québécoise de scientifiques a donc mis au point un outil novateur pour suivre le SRAS-CoV-2 dans les eaux usées afin de mieux suivre l’épidémie. Cette recherche permet de prévoir, jusqu’à une semaine à l’avance, d’éventuelles éclosions dans des secteurs déterminés (quartiers, hôpitaux, CHSLD, etc.). De surcroît, cette technologie est peu coûteuse si on la compare aux tests PCR systématiques effectués en clinique de dépistage.

« Le programme de recherche n’existe plus au Québec, mais cela ne veut pas dire que rien ne se passe, car l’Institut national de santé publique [INSPQ] s’y intéresse », nuance Sarah Dorner, ajoutant que cet outil technologique est prêt et fonctionnel et est offert à l’INSPQ.

La validité de cette technique est reconnue mondialement. On l’utilise fortement aux États-Unis et même dans le reste du Canada, comme en Ontario. On peut donc se demander pourquoi il a fallu plusieurs mois à l’INSPQ pour envisager d’utiliser cet outil de dépistage efficace et économique. Il appert que l’INSPQ devait d’abord donner son aval à cette technologie, ce qui a pris quelques mois. Devant la rapide montée de la sixième vague causée par le sous-variant BA.2, l’INSPQ aura enfin convenu de l’efficacité de cette méthode afin de l’utiliser au Québec.

Découvrir les variants à venir

Selon Sarah Dorner, cette recherche a produit des résultats plus qu’intéressants, lesquels sont actuellement en prépublication, c’est-à-dire qu’ils sont rendus publics afin d’être partagés avec d’autres chercheurs.

« Durant le projet, on a quand même pu suivre les tendances, et le séquençage nous a aussi permis de voir l’arrivée des variants, précise la chercheuse. D’ailleurs, la prépublication analyse l’efficacité du séquençage dans les eaux usées en comparant ses résultats à l’incidence des cas cliniques. On y apprend que les eaux usées sont une façon très efficace de suivre l’arrivée et la progression de la transmission des variants dans la population. On a même pu constater l’arrivée du variant Omicron au début de décembre 2021 grâce à cette méthode, alors que notre recherche prenait fin. »

Nul doute que si la Santé publique avait pu tenir compte de ces données, la population n’aurait pas été encouragée à croire à des réveillons de vingt personnes pour le temps des fêtes, et l’on aurait davantage cru à la nécessité d’une troisième dose de vaccin. « La méthode que nous avons mise au point est très efficace pour apercevoir les tendances à venir, parce que l’on a besoin de beaucoup moins d’échantillons pour déterminer le portrait des variants. Ainsi, au lieu de devoir séquencer 10 % de 30 000 échantillons, on prend un seul échantillon et cela nous donne une idée de la distribution des variants. Cette opération coûte beaucoup moins cher. »

La recherche a permis de mettre au point un outil hautement efficace et c’est finalement avec fierté que nos valeureux chercheurs en ont offert les clés à l’INSPQ à la mi-avril 2022. « Pour ce qui est de son application au quotidien, l’INSPQ devra mandater un groupe technique en formant sa propre équipe, indique Sarah Dorner. Grâce à nos connaissances, la mise en place d’un système de suivi peut être durable et servir de constante sentinelle afin de voir venir les éclosions futures et les nouveaux variants. D’autant plus qu’il ne se fait presque plus de tests PCR systématiques. Cela permettra au Québec de se préparer au pire, car la pandémie n’est pas encore terminée.  »

On peut néanmoins se demander pourquoi cette technologie, fort simple, a tant tardé à faire partie du coffre à outils de détection de l’INSPQ…

« On prend un seul échantillon et cela nous donne une idée de la distribution des variants. Cette opération coûte beaucoup moins cher. »

Sarah Dorner, professeure titulaire au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal

Populaires

Publicitéspot_img