JuridiqueNouveau régime d’autorisation municipale en milieux hydriques et zones inondables

Nouveau régime d’autorisation municipale en milieux hydriques et zones inondables

Par Me Thibaud Daoust

Le 25 mars 2021, à la suite des inondations des années 2017 et 2019, était sanctionnée la Loi instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables des lacs et des cours d’eau, octroyant temporairement aux municipalités des pouvoirs visant à répondre à certains besoins et modifiant diverses dispositions, laquelle visait entre autres à améliorer le régime d’aménagement en zones inondables 1. Un peu moins d’un an plus tard, le 1er mars 2022, le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations 2 (ci-après le « Règlement provisoire ») entrait en vigueur, afin, comme son nom l’indique, de mettre en œuvre de manière temporaire certaines modifications au régime lié aux zones inondables. Nous survolons les différentes portions du Règlement provisoire dans les lignes qui suivent.

Régime d’autorisation municipale

Le Règlement provisoire constitue un régime d’autorisation municipale visant des activités réalisées dans les milieux hydriques. Ce régime ne serait pas applicable aux municipalités, ministères et organismes publics (art. 5). Le Règlement provisoire définit 18 activités se déroulant en littoral, en rive ou en zone inondable et qui sont visées par ce nouveau régime d’autorisation (art. 6 à 8). Notamment, la construction de certains ponceaux, ouvrages de stabilisation et passages à gué ainsi que la modification de systèmes d’aqueduc, d’égout et de gestion des eaux pluviales dans ces milieux nécessiteraient des autorisations municipales, en sus des autorisations ministérielles applicables, le cas échéant.

Le Règlement provisoire prévoit également les conditions de forme et de fond de ces autorisations municipales. Par exemple, le régime prévoit les situations où un avis professionnel doit être soumis pour attester que les travaux projetés n’augmenteront pas l’exposition des biens aux inondations, crues ou glaces (art. 9 à 11). En plus d’appliquer et de gérer ce régime d’autorisation, les municipalités locales se voient dans l’obligation de tenir des registres permettant aux municipalités régionales de comté de faire le suivi des autorisations émises (art. 12 à 15).

Modifications au régime provincial

En plus de créer ce nouveau régime d’autorisation, le Règlement provisoire transforme les règles actuellement prévues pour les milieux humides, hydriques et sensibles, à travers des modifications aux dispositions des lois et règlements existants sur le sujet.

Le Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles 3 est particulièrement touché par ces changements. Notamment, il est modifié afin d’inclure de nouvelles définitions de « territoire inondé », de « zone inondable de faible et grand courant » et de « zone d’inondation par embâcle avec ou sans glace » (art. 24). Le Règlement provisoire y ajoute également de nouvelles interdictions, comme les activités de stockage de compost en milieu hydrique et humide et à proximité de tels milieux (art. 27 et 53), en plus de détailler les conditions applicables aux activités de culture de végétaux non aquatiques et de champignons en milieux humides et hydriques (art. 38). Encore plus important, le Règlement provisoire vient établir et préciser les conditions d’exercice des activités en littoral, rive et zone inondable (art. 40 à 49). Par exemple, il établit clairement les mesures d’immunisation requises, telles que des drains d’évacuation et des clapets de retenue, pour tout bâtiment se trouvant en zone inondable. Sur le plan pratique, le Règlement provisoire vient préciser les cinq méthodes reconnues servant à délimiter le littoral d’un cours ou d’un plan d’eau et surtout, l’ordre dans lequel elles doivent être appliquées (art. 59). Ainsi, l’utilisation de la limite des inondations associées à une crue de récurrence de deux ans est seulement possible si les quatre autres méthodes de délimitation, dont la méthode botanique experte, ne sont pas applicables. Le Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement 4 est essentiellement modifié afin de tenir compte du nouveau régime et des modifications mentionnées ci-haut, en plus de préciser les conditions d’admissibilité à une déclaration de conformité ou d’exemption pour certaines activités en milieux humides et hydriques, comme la culture de végétaux non aquatiques et de champignons dans le littoral d’un lac ou d’un cours d’eau (art. 60 à 81). Des précisions mineures et des modifications de concordance sont également apportées au Règlement sur les exploitations agricoles 5 et au Code de gestion des pesticides 6, afin de tenir compte des nouvelles conditions et restrictions applicables aux activités agricoles et à l’utilisation de pesticides près des milieux humides et hydriques et des zones inondables ou dans ceux-ci (art. 82 à 107). 

Le Règlement provisoire abroge et remplace la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables 7, en plus d’avoir préséance sur les règlements municipaux portant sur les rives, le littoral et les zones inondables, de même que sur les zones d’intervention spéciale originellement créées par le gouvernement (art. 23, 61, 81, 117 et 129).

Les dispositions du Règlement provisoire sont toutes entrées en vigueur le 1er mars 2022 (art. 130). Par contre, l’application de certaines dispositions spécifiques, portant sur la tenue d’un registre par les municipalités locales, est repoussée au 1er janvier 2023, afin de permettre aux municipalités locales de mettre en place le régime d’autorisation (art. 115).

Malgré les modifications aux règlements de nature environnementale, une lecture attentive fait plutôt ressortir que l’objectif du Règlement provisoire est de réduire les coûts et les risques pour les biens associés aux épisodes d’inondations, en limitant le développement et les activités dans les zones inondables. Les gains pour l’environnement seront, au mieux, minimes et accessoires.

  1. Trottier, N. (2020, automne.) Aménagement du territoire dans les zones inondables : nouveau régime à venir. Source, 16(3), p. 18-19.
  2. D. 1596-2021, (2022) 154 G.O. II 1, 8.
  3. RLRQ, c. Q-2, r. 0.1.
  4. RLRQ, c. Q-2, r. 17.1.
  5. RLRQ, c. Q-2, r. 26.
  6. RLRQ, c. P-9.3, r. 1.
  7. RLRQ, c. Q-2, r. 35.

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