ÉditosLes dessous insoupçonnés de la cuvette 

Les dessous insoupçonnés de la cuvette 

Par André Dumouchel

Qui n’a pas déjà déposé dans la cuvette de toilette des cheveux, des poils d’animaux, des lingettes humides, des produits d’hygiène féminine ou même de la peinture ?

Le geste peut sembler banal. Mais il se révèle problématique et coûteux pour les municipalités. Et le phénomène est malheureusement beaucoup plus répandu qu’on le croit. Notre reportage « La toilette n’est pas une poubelle » illustre bien cette situation.

Nous avions déjà tiré la sonnette d’alarme en 2021 dans le cadre d’un dossier sur le fléau économique et écologique que représentent les lingettes à usage unique lorsqu’elles sont jetées à la toilette. Force est de constater que la situation n’a pas réellement évolué.

Et les lingettes ne sont pas les seules à causer d’importants problèmes dans les usines d’épuration. Des objets aussi anodins que de la soie dentaire ou même des cheveux endommagent des pompes ; pompes qu’il faut débloquer, réparer et remplacer, affirment des gestionnaires d’infrastructures municipales.

D’autres bris d’équipements, voire des refoulements d’égout, sont également causés par tout ce qui est « flushé » à tort et se retrouve dans les systèmes de traitement des eaux usées.

Phénomène méconnu, les fatbergs – mot-valise formé des mots fat (gras, en anglais) et iceberg – sévissent dans les égouts de certaines grandes villes, comme Londres, en Angleterre. Amalgame formé par le gras de cuisson déversé dans l’évier de la cuisine et les différents objets jetés dans la toilette (couches, condoms, cheveux, etc.), les fatbergs peuvent atteindre une taille aussi impressionnante que déconcertante.

Tout cela représente une facture importante et non négligeable pour les municipalités, qui doivent entretenir et faire tourner les différents systèmes de traitement d’eau. Ces coûts sont d’ailleurs assumés en fin de compte par les contribuables, par le biais des taxes municipales.

À la Ville de Terrebonne, la présence (et les effets négatifs) de lingettes dans les égouts entraîne des dépenses supplémentaires annuelles estimées entre 150 000 $ et 500 000 $, selon des données de Réseau Environnement de 2021.

Imaginez ce que cela représente pour l’ensemble des quelque 1 100 municipalités québécoises.

La mise en place d’une campagne de sensibilisation nationale pourrait, dans les circonstances, être avisée et justifiée. C’est d’ailleurs ce que prône l’expert en ISÉ en gestion des matières résiduelles, Grégory Pratte.

Seuls l’urine, les excréments et le papier hygiénique peuvent se retrouver dans la toilette. Tout le reste est non grata. Mais ce message n’a jamais été propagé, et la population n’a pas été éduquée en ce sens. On a tenu pour acquis, depuis toujours, que les gens savaient.

Alors que différentes campagnes d’information et de sensibilisation sont déployées pour démystifier la gestion des différents bacs (bleu, brun, vert), pourquoi n’en va-t-il pas de même avec la gestion de l’eau ?

Mis à part certaines initiatives menées par des municipalités, dont Terrebonne, il y a peu, voire pas, d’informations véhiculées sur la problématique des déchets jetés dans les toilettes.

Pourtant tous y gagneraient si le message était diffusé plus largement. Et pas uniquement d’un point de vue économique, sur le plan environnemental également. Car, comme le souligne le président-directeur général de Réseau Environnement, Mathieu Laneuville, les médicaments qui se retrouvent dans les cours d’eau, après avoir transité par les égouts et les usines d’épuration, ont des répercussions sérieuses sur les écosystèmes.

À la lecture du reportage, une conclusion tend à s’imposer : croire que les citoyens ne vont pas jeter n’importe quoi dans la cuvette de toilette relève de la pensée magique.

Bref, le sujet mérite qu’on s’y attarde. Et une initiative de sensibilisation nationale n’aurait rien d’une dépense. Ce serait un investissement durable et responsable.

Vingt printemps

Difficile par ailleurs de passer sous silence le 20e anniversaire du magazine Source.

Cela fait désormais deux décennies que les différents enjeux, défis et bons coups liés à l’industrie des eaux usées et de l’eau potable y sont traités, analysés et soulignés.

Et 20 ans plus tard, le sujet de prédilection de Source, l’eau, demeure tout aussi pertinent, sinon plus qu’avant.

Cette longévité n’aurait pas été possible sans votre intérêt et appui indéfectible, chers lecteurs et collaborateurs. Merci de votre fidélité au fil des ans.

Cet anniversaire sera souligné en 2024 par une refonte de son site Internet. D’ici là, je vous invite à plonger sans tarder dans cette nouvelle édition !

Populaires

Publicitéspot_img