Depuis plusieurs années, la présence des composés perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés (PFAS) dans l’eau alimente les journaux et les chercheurs, qui tentent de mieux en cerner les effets sur l’humain et sur l’environnement. Plus récemment, aux États-Unis, les PFAS ont été la cible d’une réglementation de plus en plus sévère, vu leurs effets anticipés sur la santé, notamment des effets cancérigènes. À l’hiver 2023, nous constations que les PFAS étaient encore généralement absents des réglementations environnementales canadienne et québécoise, en particulier sur le plan de la réglementation sur l’eau potable 1. Un an plus tard, nous brossons un portrait de la situation afin de déterminer si les annonces faites à cette époque par les différents paliers de gouvernement ont mené à des changements réglementaires.
Les PFAS et les biosolides
Le secteur des biosolides, municipaux ou industriels, a été en ébullition au cours de la dernière année. De nombreuses normes, bien que temporaires, ont été annoncées par les différents paliers de gouvernement.
En mars 2023, le gouvernement du Québec annonçait un moratoire temporaire sur l’épandage de biosolides en provenance de l’extérieur du Canada 2. Ce moratoire a été officialisé en juin 2023 par l’adoption de l’article 29.2 du Règlement sur les exploitations agricoles 3, qui interdit l’épandage de biosolides municipaux ou industriels importés. Le gouvernement du Québec a poursuivi sur sa lancée en annonçant son intention, en octobre 2023, d’imposer des seuils maximaux de PFAS dans les biosolides 4. Ces seuils n’ont pas été fixés au moment où cet article a été écrit.
En décembre 2023, l’Agence canadienne d’inspection des aliments a publié un document de consultation dans lequel elle expose sa proposition pour la gestion des biosolides contenant des PFAS, se fondant sur ses pouvoirs prévus à la Loi sur les engrais 5. Principalement, on y suggère l’imposition d’un seuil intérimaire que devraient respecter les biosolides (soit 50 ppb de sulfonate de perfluorooctane) ainsi que des obligations de transmission de certificats d’analyse attestant du respect de ce critère pour toute personne important ou vendant des biosolides au Canada 6.
Les PFAS et la qualité de l’eau
Nous ne pouvons que constater que les PFAS ne font toujours pas l’objet de valeurs limites en ce qui concerne la réglementation touchant l’eau potable. En effet, bien que des recommandations canadiennes sur certains PFAS existent depuis six ans, les normes sur la qualité de l’eau potable québécoise n’ont toujours pas intégré de paramètres visant les PFAS.
Depuis 2018, des recommandations de normes de concentration de certains PFAS dans l’eau potable ont été promulguées par le gouvernement fédéral 7. En 2023, le gouvernement canadien a mené une consultation dans le but de mettre à jour ses recommandations de normes de concentration des PFAS dans l’eau potable. Il proposait une norme maximale de 30 ng/L, calculée sur une somme de concentration d’une vingtaine de PFAS. Ce processus de consultation n’a pas encore mené à une modification des recommandations canadiennes sur l’eau potable, mais il témoigne d’une importante avancée de la réflexion au niveau fédéral.
Les PFAS et la réglementation canadienne
Malgré les consultations mentionnées plus haut, le cœur du régime réglementaire fédéral sur les PFAS se trouve encore aujourd’hui dans le Règlement sur certaines substances toxiques interdites 8, adopté en 2012 en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) 9. Ce règlement prévoit essentiellement des interdictions de fabriquer, de vendre, d’utiliser et d’importer certains composés de la famille des PFAS et des produits en contenant, sauf exception. Ce règlement de 2012 est voué à être remplacé par un autre du même nom. Bien que le gouvernement fédéral ait initialement prévu que ce nouveau règlement soit adopté en 2023, nous ne pouvons que constater que celui-ci n’a toujours pas fait l’objet d’une publication officielle, malgré le projet de règlement mis en circulation en mai 2022 10. Cette nouvelle mouture resserrerait la vis en retirant les exceptions auparavant prévues, dont celle portant sur les mousses anti-incendie qui contiennent des mousses à formation de pellicule aqueuse (aqueous film-forming foam) 11. Outre cette réglementation fédérale, les PFAS sont théoriquement abordés, de manière implicite, à travers les réglementations sur la gestion des matières dangereuses.
En mai 2023, le gouvernement fédéral a publié l’ébauche du rapport sur l’état des PFAS, dans lequel il annonce notamment qu’il prévoit d’ajouter les PFAS, en tant que classe de substances, à la liste des substances toxiques se trouvant en annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Le gouvernement fédéral précise qu’il proposera et qu’il implantera un instrument de gestion des risques associés aux PFAS dans les 42 mois suivant cet ajout à la liste des substances toxiques 12.
À quoi s’attendre
Les développements réglementaires, tant ceux de la dernière année que ceux, nombreux, qui sont encore dans le collimateur des gouvernements, montrent que la gestion des PFAS finira par intégrer les régimes réglementaires canadien et québécois. Toutefois, cette intégration s’étendra probablement sur plusieurs années. D’ici là, il est de notre responsabilité de conseiller les gouvernements dans l’implantation des mesures qui pourront, ultimement, mieux protéger la santé de nos concitoyens.
- T. Daoust. « Les composés perfluorés : Les grands absents de la réglementation portant sur la qualité de l’eau potable », dans le magazine Source, hiver 2023, vol. 19, no 1, p. 24.
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (2023, mars). Le Québec s’assure de demeurer un leader dans la gestion des risques associés aux contaminants d’intérêt émergent dans les biosolides.
- RLRQ, c. Q-2, r. 26.
- Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (2023, octobre). Des actions préventives pour encadrer la présence de contaminants dans les biosolides.
- L.R.C. (1985), c. F-10.
- Agence canadienne d’inspection des aliments (2023, décembre). Mise en œuvre de la norme sur les substances per- et polyfluoroalkyles dans les biosolides municipaux importés ou vendus au Canada en tant qu’engrais.
- Santé Canada (2018). Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada : document technique — Le sulfonate de perfluorooctane. Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Bureau de la qualité de l’eau et de l’air (H144-13/9-2018F-PDF) ; Santé Canada (2018). Recommandations pour la qualité de l’eau potable au Canada : document technique — L’acide perfluorooctanoïque (APFO). Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Bureau de la qualité de l’eau et de l’air (H144-13/8-2018F-PDF).
- DORS 2012-285.
- L.C. 1999, c. 33.
- Gazette du Canada, partie I, vol. 156, no 20, p. 2365.
- Ibid.
- Santé Canada et Environnement et changement climatique Canada (2023). Cadre de gestion des risques pour les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques (SPFA).