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La Ville de Rigaud et la plateforme Nerri Municipal : un mariage réussi

Par Martine Letarte

La gestion des systèmes septiques est souvent un processus peu efficace dans les municipalités québécoises. La Ville de Rigaud a décidé de s’attaquer au problème en formant un partenariat avec OClair Environnement pour créer Nerri Municipal. Cette plateforme réunit les différentes parties prenantes pour simplifier le processus et ainsi permettre à la Ville de mieux répondre à ses obligations envers le gouvernement provincial en matière de systèmes septiques. Au bout du compte, c’est la protection de l’environnement et de la santé de ses citoyens qui s’en trouve renforcée. Une initiative qui pourrait maintenant profiter à d’autres villes.

Rigaud compte 2 000 fosses septiques, une quantité qui a presque triplé depuis la pandémie alors que bien des gens ont fui les grandes villes. Pour chacune de ces installations, il faut s’assurer que la vidange est effectuée tous les deux ans. Il y a aussi près de 700 systèmes septiques performants à Rigaud. Pour chacun, la Ville doit avoir la preuve de renouvellement annuel du contrat d’entretien. Pour les systèmes performants avec désinfection par rayonnement ultraviolet (près du tiers), il faut, en plus, que la Ville reçoive deux rapports d’intervention par année ainsi que les résultats d’échantillons, puis qu’elle fasse le suivi auprès des propriétaires. Elle doit également répondre aux demandes des citoyens qui ont besoin de prouver que leur installation septique est conforme, par exemple s’ils veulent vendre leur propriété. À Rigaud, c’est le travail d’une seule personne : Marianna Pelosse, inspectrice en urbanisme et en environnement. « Mon travail lié aux systèmes septiques devrait occuper 50 % de mon temps, mais en réalité, dans les dernières années, cela a pris plus de 100 % de mon temps et je trouvais le moyen de faire le reste », raconte-t-elle.

Le grand problème ? La paperasse. « Tous les rapports m’arrivaient en format papier, par la poste, ou en PDF, explique-t-elle. Puis, je devais entrer manuellement toutes les informations importantes du rapport dans notre logiciel. Ça prenait un temps fou. »

Mieux protéger le citoyen et l’environnement

L’un des autres grands problèmes pour l’inspectrice était que les rapports arrivaient souvent à l’hôtel de ville des mois après le passage du technicien sur le terrain. « Si je reçois des résultats d’échantillons d’un système performant non conforme, je dois avertir le propriétaire et lui demander d’agir, affirme-t-elle. Avec les délais d’obtention des rapports, c’était rendu pratiquement impossible de faire les suivis. Je travaillais toujours en retard, alors que la vitesse de réaction est importante. Pratiquement toutes les propriétés qui ont un système performant sont sur un puits. S’il y a un problème, ce sont les eaux souterraines qui en sont affectées. Et le mont Rigaud est l’une des principales zones de recharge pour l’aquifère de notre MRC. »

Dans ce contexte, il devenait difficile de faire appliquer le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées Q-2, r. 22, du gouvernement provincial. L’importance de cette réglementation est démontrée par une revue de littérature, Protection des puits résidentiels vis-à-vis des installations septiques autonomes, réalisée en 2021 par des chercheurs de Polytechnique Montréal et de l’Université du Québec à Chicoutimi pour le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. On y apprend qu’en 2016, plus de 12 % de la population canadienne (soit 4,1 millions de personnes) s’approvisionnait en eau potable dans les puits privés et dans les eaux souterraines non traitées, qui sont une source potentielle d’infections parasitaires, virales et bactériennes. En effet, chaque année, plus de 78 000 cas de maladies gastro-intestinales au Canada sont attribués à la consommation d’eau provenant de puits privés non traités.

« Nous voulions un nouvel outil qui permettrait à notre inspectrice de se concentrer sur les enjeux réels de son travail plutôt que de perdre son temps à gérer la paperasse »

Maxime Boissonneault, directeur général, Ville de Rigaud

Un travail de collaboration

Pour pouvoir bien faire appliquer le règlement, Marianna Pelosse avait besoin d’un outil plus performant. C’est ce que OClair Environnement a proposé de développer, en collaboration avec la Ville de Rigaud. Une offre que le directeur général, Maxime Boissonneault, s’est empressé d’accepter peu de temps après son arrivée en poste, en 2022.

« Le logiciel que nous utilisions auparavant n’était pas très efficace et nous voulions un nouvel outil qui permettrait à notre inspectrice de se concentrer sur les enjeux réels de son travail plutôt que de perdre son temps à gérer la paperasse », affirme M. Boissonneault.

Les conseillers municipaux ont finalement voté à l’unanimité en mars 2023 pour donner un mandat de trois ans à OClair Environnement afin que celui-ci développe Nerri Municipal.

« Pour moi, c’était vraiment génial parce que j’avais des idées pour améliorer le processus, mais je n’avais pas les moyens de les réaliser, affirme Marianna Pelosse. Avec OClair, cela devenait possible. »

Accès aux informations en temps réel

L’une des priorités en développant Nerri Municipal était de simplifier l’échange d’information. « La plateforme réunit les différents intervenants impliqués dans la gestion des eaux usées : les employés municipaux, les employés des entreprises d’entretien des systèmes septiques et les citoyens propriétaires de ces installations », explique Pierre Mongeon, microbiologiste agréé et président d’OClair Environnement.

Téléchargeable sur tablette et téléphone, la plateforme est utilisée directement sur le terrain lors des vidanges. Nerri Municipal utilise les coordonnées GPS du système septique, puis les travailleurs peuvent y entrer leurs informations, qui deviennent accessibles en temps réel sur la plateforme. Il n’y a plus besoin de produire de rapport.

« Par exemple, la personne qui fait la vidange d’une fosse septique répond à plusieurs questions sur Nerri Municipal et peut y entrer des photos au besoin, explique Marianna Pelosse. Nous voulions nous assurer que l’utilisation de la plateforme ne soit pas une étape de plus à franchir pour les travailleurs, mais que cela vienne leur faciliter la tâche. »

Évidemment, c’est aussi beaucoup moins de travail pour l’inspectrice, qui ne s’ennuiera pas d’entrer les données à la main ! Grâce à Nerri Municipal, elle est appelée à intervenir seulement lorsqu’un problème surgit.

« Un système d’alerte a été mis en place pour que je sois automatiquement avertie, par exemple si une vidange n’a pas pu être faite, ou s’il y a eu un bris, explique Marianna Pelosse. Puis, pour les systèmes performants, il y a une alerte si les résultats d’un échantillon sont non conformes. On est aussi en train de mettre en place la possibilité d’envoyer automatiquement un courriel au propriétaire de l’installation pour le mettre au courant de la situation. »

Nerri Municipal permet également aux employés municipaux d’accéder facilement aux informations en lien avec les fosses septiques. « Par exemple, si plusieurs inspecteurs sont attitrés aux fosses septiques, ou encore, si une nouvelle personne entre en poste, l’historique leur sera facilement accessible », affirme Isabelle Mongeon, vice-présidente exécutive à OClair Environnement.

La plateforme comprend également l’Espace citoyen. « Les propriétaires de fosses septiques ont accès à un espace commun, où ils peuvent retrouver différentes informations […] utiles, et un espace privé, où ils retrouvent leur dossier septique, qui inclut notamment les vidanges, les rapports d’entretien et les résultats d’échantillons, énumère Marianna Pelosse. On peut ainsi réduire le nombre d’appels de citoyens qui ont besoin de documents. Tout est accessible dans la plateforme. »

Des tests concluants

En 2023, une partie des vidanges de fosses septiques de Rigaud ont été réalisées avec Nerri Municipal. « Nous voulions y aller par étapes pour éviter le risque de nous retrouver avec un gros bogue qui paralyserait tout, explique Marianna Pelosse. Les tests de l’an dernier ont permis d’améliorer plusieurs choses, notamment grâce à la rétroaction des techniciens sur le terrain. Nous sommes encore en période de rodage, mais ça fonctionne. »

Pour elle, c’est ni plus ni moins qu’une révolution. « L’an dernier, pour la facturation, j’ai dû sortir toutes les vidanges qui avaient été faites dans la première tournée et celles de la deuxième tournée, illustre-t-elle. En effectuant une recherche dans la plateforme, j’ai pu trouver l’information en cinq minutes. Pour les adresses qui avaient été faites avec l’ancienne méthode, ça m’a pris une journée. »

Cette année, 100 % des suivis des vidanges de fosses septiques se feront avec la nouvelle plateforme. « Nous venons de lancer l’appel d’offres et nous y mentionnons que l’entreprise devra utiliser Nerri Municipal », affirme Maxime Boissonneault.

L’inspectrice remarque aussi que déjà, certains laboratoires emboîtent le pas et sont en mesure de communiquer directement les résultats d’échantillons dans la plateforme.

Amener d’autres villes dans le mouvement

Si Nerri Municipal a été conçue en partenariat avec Rigaud, d’autres villes pourraient maintenant l’utiliser. « Il y a entre 1,5 et 2 millions de fosses septiques au Québec, et toutes les villes ont cette problématique de gestion de l’information, affirme Pierre Mongeon. Pour qu’elles puissent utiliser notre plateforme, on a juste à transférer leur base de données des adresses des fosses septiques dans la plateforme, on entre le nom de l’entreprise qui réalise les vidanges et on crée les accès. En une semaine, c’est fonctionnel. »

Marianna Pelosse aimerait d’ailleurs voir d’autres villes utiliser la plateforme. « Ce serait intéressant d’avoir des idées d’inspecteurs d’autres municipalités pour continuer d’améliorer Nerri Municipal, affirme-t-elle. C’est une plateforme flexible créée par nous, pour nous. Et nous pourrons aussi l’adapter au besoin, par exemple, s’il y a un nouveau règlement. »

Elle est toutefois consciente que le changement fait peur. « Moi-même, j’ai eu peur lorsqu’on a fait le virage. Mais il faut avancer et c’est le moment d’agir. En travaillant ensemble, on obtient de meilleurs résultats. »

« En effectuant une recherche dans la plateforme, j’ai pu trouver l’information en cinq minutes. Pour les adresses qui avaient été faites avec l’ancienne méthode, ça m’a pris une journée. »

Marianna Pelosse, inspectrice en urbanisme et en environnement

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