ReportagesC’est le temps de PENSEZ BLEU.com

C’est le temps de PENSEZ BLEU.com

Par Martine Letarte, Collaboration spéciale

Le Québec connaît actuellement une forte mobilisation dans le secteur de l’eau, portée par la campagne gouvernementale Pensez Bleu, déployée par Réseau Environnement. En parallèle, l’organisme propose aussi six programmes d’excellence (PEX) qui favorisent la création de communautés de pratique et offrent aux municipalités des outils concrets pour relever leurs défis en gestion de l’eau.

Pensez bleu

L’or bleu. Au Québec, de l’eau, on en consomme beaucoup. Énormément, même ! En 2021, chaque personne utilisait en moyenne 260 litres par jour à domicile – presque deux fois plus qu’en Europe et bien au-delà de la moyenne ontarienne, soit environ les deux tiers. Un effort collectif est donc nécessaire pour adopter une gestion plus responsable dans la province.

C’est dans cet esprit que la campagne Pensez Bleu a été lancée en 2024 et qu’elle se poursuivra jusqu’en 2026. Financée par le Fonds bleu du gouvernement du Québec, elle est propulsée par Réseau Environnement, le plus grand regroupement de spécialistes en environnement au Québec, dont une bonne proportion travaille dans le domaine de l’eau.

« Les sommes disponibles dans le Fonds bleu proviennent principalement des redevances sur l’eau payées par les entreprises québécoises, explique Mathieu Laneuville, président-directeur général de Réseau Environnement. Il est important que cet argent puisse servir en partie à sensibiliser la population à une consommation plus responsable de cette ressource extrêmement précieuse – et coûteuse. »

La campagne Pensez Bleu s’inscrit dans le cadre du Plan national de l’eau : une richesse collective à préserver, qui constitue le deuxième plan d’action de la Stratégie québécoise de l’eau (2018-2030).

« Une première campagne, menée dans le cadre du premier plan d’action, s’est achevée en 2021 avec des résultats positifs, indique Véronique Turmel, directrice principale de la gestion des ressources en eau et de l’aménagement au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Nous avons donc souhaité poursuivre nos efforts pour ancrer un changement de comportement dans la population. »

Le gouvernement du Québec a donc reconduit les partenariats établis lors de la campagne précédente avec, en plus de Réseau Environnement, le Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (ROBVQ) et le Centre d’interprétation de l’eau (C.I.EAU).

« Nous pouvons compter sur un nouveau partenaire, EnviroCompétences, pour travailler sur le thème qui s’est ajouté cette année : Découvrir les métiers de l’eau », précise Véronique Turmel.

« Une première campagne, menée dans le cadre du premier plan d’action, s’est achevée en 2021 avec des résultats positifs. »

— Véronique Turmel, directrice principale de la gestion des ressources en eau et de l’aménagement, ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

 

Découvrir les métiers de l’eau

Pensez Bleu intègre effectivement cette année le volet Découvrir les métiers de l’eau à ses efforts de sensibilisation. « On a un gros enjeu de pénurie de main-d’œuvre au Québec dans le secteur de l’eau, notamment pour les opérateurs et les techniciens en traitement de l’eau potable et en assainissement des eaux, affirme Mathieu Laneuville. Nous n’en formons pas assez pour remplacer tous ceux qui partent à la retraite. Beaucoup de jeunes s’intéressent à l’environnement, mais souvent, ils ne connaissent pas bien les carrières liées à l’eau. Ce sont pourtant des métiers qui entraînent des retombées sur le terrain et qui gagneraient à être mieux connus. »

Le site pensezbleu.com présente donc ces carrières et quelques autres ainsi que les formations requises pour occuper ce type de poste.

« Nous réalisons aussi de courtes vidéos, indique Margot Pelissier, coordonnatrice technique au secteur de l’eau à Réseau Environnement. Par exemple, nous allons à la rencontre de travailleurs qui nous parlent de leur métier. L’une de ces vidéos met en lumière la Régie d’aqueduc intermunicipale des Moulins (RAIM), qui explique ce qu’est le chemin de l’eau. C’est important de connaître les différentes étapes pour comprendre les métiers liés à l’eau. »l espace pour expliquer les enjeux et explorer différentes avenues. Le magazine peut influencer les décisions. »

Économiser l’eau

Comme la campagne précédente, Pensez Bleu met l’accent sur l’importance de réduire sa consommation d’eau potable. La ressource n’est pas inépuisable, et sa production engendre des coûts de plus en plus élevés. Et, même si l’eau est abondante au Québec, toutes les municipalités ne sont pas aussi choyées. Plusieurs commencent à avoir de la difficulté à répondre à la demande croissante.

Parmi les gestes simples pour moins consommer, on parle notamment de réparer sa toilette si elle fuit et de prendre des douches de courte durée plutôt que des bains, ou encore de trouver des solutions de rechange à l’utilisation de l’eau potable pour l’extérieur.

« On a tendance à pointer du doigt les municipalités pour les fuites dans le réseau, les entreprises pour leur forte consommation ou certains citoyens pour leur gaspillage, illustre Mathieu Laneuville. Mais, en fait, c’est en unissant nos efforts qu’on pourra améliorer le bilan. On assurera ainsi la pérennité du service public, qui a un coût et dont on oublie trop souvent la valeur. »

Protégez l’eau

Autre thème repris de la dernière campagne : Protégez l’eau. « Les gens ne pensent pas nécessairement aux effets que leurs habitudes ont sur la qualité de l’eau, affirme Véronique Turmel. Par exemple, certains ont le réflexe de jeter leurs restes de médicaments dans la toilette, mais ces substances sont très difficiles à éliminer complètement lors du traitement des eaux. Elles finissent donc par se retrouver dans les cours d’eau et ont des effets sur les écosystèmes. Il faut en arriver à une prise de conscience. »

Margot Pelissier mentionne aussi l’importance de ne pas jeter de l’huile dans les canalisations. « L’huile crée des problèmes dans les réseaux. Elle s’accumule, se mélange aux produits hygiéniques, aux lingettes jetables et à d’autres déchets, formant ainsi de gros blocs qu’il faut retirer à l’aide d’une machinerie spécialisée, voire manuellement dans certains cas, explique-t-elle. En changeant ce comportement, on peut éviter ces interventions coûteuses, qui sont financées par la population à travers les taxes. »

Comité d’experts

La campagne Pensez bleu évolue grâce à l’apport d’un comité d’experts qui enrichissent les contenus et les stratégies. Formé d’une quarantaine de spécialistes de différents ministères, entreprises et organismes, ce comité se réunit trois fois par année pour réfléchir, proposer des améliorations et mettre en commun des ressources afin de bonifier la campagne.

« Ces personnes ont beaucoup de connaissances et veillent à ce que la campagne soit conçue selon les meilleures pratiques basées sur la science, se réjouit Mathieu Laneuville. Ainsi, on arrive à développer des stratégies de communication plus justes, plus ciblées et plus efficaces. »

Par exemple, le site pensezbleu.com propose quatre jeux-questionnaires, qui permettent de tester ses connaissances sur des sujets liés à l’eau. « Nous sommes en train d’en développer deux nouveaux, et c’est le genre de projet pour lequel nous sollicitons beaucoup les connaissances du comité d’experts, raconte Margot Pelissier. Ils enrichissent le contenu et, si nous faisons fausse route, ils nous le disent. Leurs contributions sont très précieuses. »

Plusieurs moyens utilisés pour rejoindre les gens

Toute l’information et les différentes initiatives de la campagne sont regroupées sur pensezbleu.com. L’objectif des différentes stratégies de communication est d’attirer les gens vers le site.

Par exemple, à l’automne 2024, des panneaux d’affichage ont été utilisés pour faire connaître la campagne. Des publications sont régulièrement diffusées sur Facebook et Instagram. Pour capter l’attention d’un public encore plus jeune, TikTok fait désormais partie des canaux de communication. Le porte-parole Jean-Philippe Dion a aussi contribué à accroître la notoriété de la campagne.

Pensez Bleu propose même un balado dans lequel on peut notamment découvrir comment le chef Danny Saint-Pierre lave sa vaisselle et se débarrasse de l’huile de cuisson de façon responsable.

Ce printemps, la formation des patrouilles Pensez Bleu sera offerte gratuitement aux employés municipaux responsables de la sensibilisation citoyenne sur l’eau. « Nous offrons cette formation depuis quelques années dans le cadre du programme de reconnaissance et d’échanges sur l’économie d’eau Municipalité Écon’Eau, mais nous la révisons pour l’offrir à l’échelle de la province, précise Nicolas Fabre, coordonnateur PEX à Réseau Environnement. Elle vise celles et ceux qui portent le message sur le terrain : élus, techniciens, employés saisonniers, etc. »

Développée sur deux jours, la formation porte sur l’historique de l’eau et sa réglementation, sur les étapes nécessaires à la production et à la distribution de l’eau potable au Québec, sur les gestes simples que la population peut adopter pour économiser l’eau ainsi que sur les différentes stratégies de communication pour sensibiliser les gens.

Les actions de la campagne Pensez Bleu se déploient donc sous différentes formes et à travers différents types d’initiatives, mais toutes ont le même objectif. « Nous voulons donner des ressources aux Québécois et aux Québécoises pour les aider à agir, et non pas leur faire la morale, affirme Margot Pelissier. Nous souhaitons qu’ils trouvent facilement des réponses à leurs questions et des outils pour changer leurs habitudes, tout en comprenant que ce sont eux qui profiteront d’une gestion plus responsable de l’eau. »

PROGRAMMES D’EXCELLENCE EN EAU

Pour permettre aux gestionnaires municipaux d’échanger leurs bons coups et leurs défis, Réseau Environnement a créé dix programmes d’excellence (PEX), dont six dans le domaine de l’eau. Signe de leur pertinence, le premier, qui porte sur le traitement de l’eau potable, a été lancé il y a 25 ans et existe toujours. Il rassemble de nombreuses municipalités, dont les vingt plus grandes villes du Québec.

« Souvent, dans le cadre de leur travail, les gens parlent à leurs homologues des villes voisines, remarque Nicolas Fabre. Mais, grâce aux PEX, ils ont accès à des collègues de différentes régions du Québec. Par exemple, il peut arriver que la municipalité de Baie-Comeau soit confrontée au même enjeu que Chambly. Ces gens n’auraient jamais eu d’occasion d’échanger. Avec le PEX, ces discussions sont possibles et, souvent, se poursuivent au-delà des rencontres. »

Après le programme sur le traitement de l’eau, Réseau Environnement a créé le PEX sur les stations d’eaux usées mécanisées et celui sur les réseaux d’aqueduc. Plus récemment, trois nouveaux programmes ont été ajoutés : étangs aérés, gestion des eaux pluviales et économie d’eau. Chaque groupe réunit des gens qui travaillent dans des domaines très ciblés de l’eau.

« Si des gens des différentes municipalités du Québec se joignent aux PEX, c’est d’abord et avant tout parce que c’est un lieu où ils partagent leur expérience, remarque Nicolas Fabre. Chaque rencontre commence par un tour de table où chacun expose ses projets et ses enjeux. Dans ces partages d’expérience, ils ont accès à beaucoup d’informations qu’il n’est pas possible de trouver ailleurs. »

Un autre avantage des PEX : la possibilité de faire appel à ses collègues des autres villes. « Si un membre a un besoin, nous envoyons une question sur un sujet précis à l’ensemble du groupe, et ceux qui ont vécu la situation ou ont les connaissances peuvent répondre, indique Nicolas Fabre. C’est important pour les membres de savoir qu’ils peuvent obtenir ce soutien au moment opportun. »

Avec trois à cinq rencontres par année, les PEX fonctionnent comme de réelles communautés de pratique, estime Mathieu Laneuville. « Les professionnels discutent de questions très pointues dans leur domaine. Certaines municipalités sont plus avancées que d’autres. Les plus petites ont souvent moins d’expertise et d’outils à leur disposition. Alors, nous les accompagnons. C’est une expérience très bénéfique pour les municipalités. »

Partage d’expertise

Au-delà des échanges, les PEX favorisent aussi un partage d’expertise. Souvent, des formations ou des conférences sont données par des gens de l’externe. « Par exemple, on va demander à un expert de présenter une technique ou une avancée technologique », indique Nicolas Fabre.

Une municipalité peut, au terme d’un projet, partager son expérience. « La personne explique quels ont été les bons coups et les moins bons aux différentes étapes du projet, indique Nicolas Fabre. L’objectif est de permettre à d’autres municipalités d’apprendre de cette expertise et d’éviter de faire les mêmes erreurs. Les participants peuvent poser des questions et ont l’occasion de repenser leurs pratiques. Ça permet de gagner du temps, d’être plus efficaces. » Certaines municipalités l’ont très bien compris. C’est le cas de Québec, notamment. « L’an dernier, elle est devenue la première ville à se joindre à l’ensemble des PEX, se réjouit Mathieu Laneuville. C’est formidable, parce qu’elle est en contact avec d’autres municipalités du Québec dans tous ces domaines d’expertise. »

Grâce à sa connaissance approfondie de ce qui se passe dans les différentes municipalités de la province, Réseau Environnement joue souvent les entremetteurs. Il l’a fait par exemple avec le PEX sur les stations mécanisées. C’est ainsi que la Ville de Québec a été invitée à expliquer comment elle formait ses opérateurs à l’interne. « Tout un modèle de formation a été développé à Québec, avec beaucoup de documentation, explique Nicolas Fabre. J’avais déjà rencontré les équipes de formation de la Ville de Montréal et je savais que cela pouvait les intéresser.  Même si elles n’étaient pas membres de ce PEX, je les ai invitées à la rencontre. Elles ont été extrêmement impressionnées par la démarche de Québec. Cette rencontre les a même amenées à travailler en partenariat. Chaque fois qu’un échange mène à une collaboration concrète, c’est une victoire pour nous. »

Programme de reconnaissance 

Les PEX proposent différents niveaux d’engagement aux municipalités. Si elles peuvent se contenter d’assister aux rencontres et de grandir grâce aux témoignages et aux formations, elles peuvent aussi s’engager dans un processus d’amélioration continue.

« On leur remet alors une grille d’indicateurs alignés à la réglementation en vigueur pour qu’elles puissent évaluer la performance de leurs infrastructures, explique Nicolas Fabre. Ensuite, elles peuvent produire un rapport d’exploitation de leurs installations, et nous assurons le suivi de l’évolution d’année en année. Nous attribuons aussi des étoiles en fonction de la performance des installations. »

Pour Mathieu Laneuville, c’est une façon intéressante d’amener les gens à se dépasser. « C’est l’fun pour les élus et les employés des municipalités, affirme-t-il. C’est une compétition amicale qui pousse les employés municipaux à adopter les bonnes pratiques. Lorsqu’ils veulent obtenir une étoile de plus, ils cherchent des solutions pour y arriver. Le programme de reconnaissance aide d’ailleurs à faire débloquer des budgets. »

Pour les PEX sur le traitement, la distribution et les stations mécanisées, les critères de reconnaissance sont basés sur les guides de l’American Water Works Association (AWWA), la plus grande organisation internationale en eau, qui compte plus de 50 000 membres. « Les guides ont vraiment une belle crédibilité et offrent une solide base pour l’analyse comparative des municipalités », affirme Mathieu Laneuville.

« Ainsi, les municipalités qui joignent les PEX peuvent non seulement bénéficier d’un partage d’expérience et d’expertise, mais elles ont aussi la chance de faire du réseautage avec les municipalités québécoises qui se distinguent par la qualité de leurs infrastructures en eau et par leur gestion, affirme Nicolas Fabre. Ces rencontres encouragent chacune à se fixer des objectifs et à s’améliorer. »

« Les municipalités qui joignent les PEX peuvent non seulement bénéficier d’un partage d’expérience et d’expertise, mais elles ont aussi la chance de faire du réseautage avec les municipalités québécoises qui se distinguent par la qualité de leurs infrastructures en eau et par leur gestion. »

—  Nicolas Fabre,  coordonnateur PEX chez Réseau Environnement

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