Traitement des eauxL’importance des médias en filtration de l’eau potable

L’importance des médias en filtration de l’eau potable

Par Clément Cartier

La filtration sur média filtrant est une étape essentielle dans la plupart des chaînes de traitement de l’eau potable. Elle réduit la turbidité en retenant les particules en suspension, comme les flocs résiduels après la décantation. C’est aussi une barrière importante contre les microorganismes, en particulier contre les protozoaires, dans une approche de barrières multiples.

Fonctionnement des filtres à matériaux granulaires

Dans un filtre gravitaire typique, la filtration s’effectue en faisant passer l’eau à travers une hauteur de média filtrant variant généralement entre 0,6 et 1,5 m, selon l’application. Le fond du filtre est équipé d’un système permettant de retenir le média tout en laissant passer l’eau. Il doit garantir une distribution uniforme de l’eau, tant en mode filtration qu’en mode lavage, et ce, en minimisant la perte de charge. Différentes approches sont utilisées, y compris le faux plancher avec buselures, ou encore des drains perforés déposés directement sur le plancher de béton. Ceux-ci ont comme avantage d’augmenter la hauteur disponible pour le média. Ils sont généralement fabriqués en acier inoxydable, un matériau plus résistant et durable. La majorité des filtres à matériau granulaire fonctionnent selon un cycle standard, alternant une phase de filtration et un lavage du média filtrant. Ce processus cyclique est régi par différents paramètres, comme la perte de charge, la durée des cycles et la turbidité de l’eau filtrée.

Les différents médias utilisés pour la filtration

Différents médias peuvent être utilisés dans le traitement de l’eau potable : le sable, l’anthracite, le grenat ou l’ilménite, le charbon actif en grain (CAG) et l’argile expansée. Le choix du média dépend de plusieurs critères : densité, dureté, diamètre des grains et fonction visée.

Média filtrant Caractéristiques et fonction Dureté (Mohs) Densité relative Diamètre effectif (D10) (mm) Fréquence de remplacement
Sable ·        Le plus courant

·        Efficace et économique

Élevée

7

Moyenne

2,65

0,4 à 0,6 10 à 20 ans

 

Anthracite ·        Surface poreuse

·        Bon rendement en surface

Moyenne

2,7 à 3

Faible

1,6

0,9 à 1,1 10 à 15 ans
Grenat ou ilménite ·        Utilisés en fond de filtre pour leur grande densité Élevée

5 à 7,5

Élevée

4,2 à 4,5

0,15 à 0,32 N.D.
Charbon actif en grain ·        Très poreux

·        Favorise la biomasse

·        Capture les fines particules responsables des goûts et des odeurs et certains contaminants (ex. PFAS)

Variable en fonction du type de charbon Faible

1,5

1 à 1,5 Variable en fonction de l’application
Argile expansée ·        Très poreux

·        Capture les fines particules

·        Différentes applications possibles

Élevé 5,5 Faible 1,2 0,5 à 2,5 Jusqu’à 30 ans

 

Les configurations possibles

On distingue trois principaux types de configurations dans les systèmes de filtration :

  • Les filtres à sable traditionnels utilisent un matériau à granulométrie uniforme. Ce type de filtre est généralement précédé d’une étape de floculation/décantation qui en évite le colmatage.
  • Les filtres bicouches combinent une couche d’anthracite au-dessus d’une couche de sable. Très efficaces et compacts, ils permettent un taux de filtration élevé tout en assurant une bonne qualité de l’eau filtrée grâce au sable fin. Ces filtres sont très populaires au Québec. Une troisième couche composée de grenat ou d’ilménite peut aussi être ajoutée.
  • Les filtres biologiques sont une variante des filtres bicouches utilisée en mode « biologique » dans laquelle l’anthracite est remplacé par du CAG. L’ajout d’ozone en amont du filtre rend la matière organique biodégradable accessible. Il est requis de prévoir un temps de contact suffisant dans le CAG pour que les bactéries s’y développent et consomment la matière organique, ce qui nécessite, dans certains cas, jusqu’à 1,2 m de hauteur de charbon.

La filtration 2.0

Afin d’améliorer les performances de filtration, différentes approches sont maintenant étudiées. Voici un aperçu de deux d’entre elles qui semblent prometteuses.   L’utilisation de l’argile expansée comme média filtrant Déjà utilisée depuis des décennies en biofiltration, l’argile expansée gagne du terrain dans le domaine de l’eau potable en raison de sa grande porosité, qui augmente la surface de contact. Avec une dureté de 5,5 sur l’échelle de Mohs, elle offre une durée de vie pouvant atteindre 30 ans, supérieure à celle de l’anthracite. Ce média permet de traiter de plus grands volumes d’eau à travers un même filtre, retenant plus de matières dans ses pores sans pour autant se colmater. Cet avantage peut être mis à profit de deux façons : en augmentant la vitesse de filtration ou en réduisant la fréquence de lavage. Dans les deux cas, la productivité est accrue. Les usines remplaçant leurs médias filtrants par de l’argile expansée peuvent ainsi augmenter leur production sans avoir à agrandir leurs installations existantes. L’argile expansée peut aussi être utilisée en filtration biologique, sa porosité étant adaptée à la croissance de la biomasse nécessaire à la biodégradation de la matière organique.   La modification des médias pour en améliorer la capacité d’adsorption Une approche au stade expérimental consiste à transformer des médias inertes, comme le sable, pour améliorer la capacité d’adsorption de composantes très spécifiques, comme les PFAS ou les pesticides. Cette application est prometteuse, parce que peu de procédés actuels peuvent être utilisés pour traiter efficacement ces contaminants. Ceux qui le permettent nécessitent des technologies coûteuses, comme l’adsorption avec charbon actif ou l’oxydation avancée. Toutefois, ces médias modifiés doivent encore faire leurs preuves à long terme sur le plan de la durabilité.

Des innovations à surveiller

La filtration de l’eau sur média granulaire est un traitement fiable reconnu depuis des millénaires. Grâce aux nouvelles technologies, de nouveaux médias permettent d’augmenter les performances des filtres, tout en réduisant les coûts en infrastructures. D’autres percées dans le domaine sont également à venir. Reste à voir à quel rythme ces innovations seront considérées au Québec.

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